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Libération
Violences policières

Mort de Shaoyao Liu tué par la police : l’Etat français condamné pour «faute lourde»

La France a été condamnée à verser 138 000 euros aux proches de Shaoyao Liu, ce quinquagénaire tué par un coup de feu d’un policier à Paris en mars 2017. La justice a conclu que les agents de la BAC qui sont intervenus auraient dû avoir des armes non létales.
L'épouse de Shaoyao Liu, place de la République à Paris le 2 avril 2017. (Julien Mattia /NurPhoto. AFP)
publié le 24 novembre 2023 à 18h43

Six ans après, l’Etat jugé coupable. La France a été condamnée pour «faute lourde» et devra verser 138 000 euros aux proches de Shaoyao Liu, tué à Paris en 2017 lors d’une intervention de la police, selon un jugement civil rendu mercredi dont l’AFP a pris connaissance ce vendredi 24 novembre. La justice a conclu que les fonctionnaires auraient dû avoir sur eux des armes non létales.

Le 26 mars 2017 peu après 20 heures, des agents de la brigade anticriminalité (BAC) se rendent dans une cité du XIXe arrondissement de Paris. Ils viennent d’être appelés par un policier à la retraite qui, alerté par des cris sur son palier, a vu un voisin, Shaoyao Liu, connu pour des problèmes d’alcool et des troubles psychiatriques, agiter ce qu’il pense être un couteau. Craignant un danger, les policiers, deux hommes et une femme équipés d’un fusil d’assaut et de pistolets, enfoncent la porte du domicile. Une poignée de secondes plus tard, le policier Damien V. tire un coup de feu, touchant mortellement au cœur Shaoyao Liu, 56 ans, sous les yeux de ses enfants.

Le policier concerné a bénéficié d’un non-lieu (devenu définitif en 2022), fondé sur la légitime défense, car selon la version des agents, Shaoyao Liu venait d’agresser avec ses ciseaux le porteur du fusil d’assaut.

«Matraque télescopique, bombe lacrymogène ou pistolet à impulsion»

Parallèlement, l’avocat des enfants et de l’épouse de la victime a assigné l’Etat devant la justice civile. Celle-ci vient donc de condamner l’Etat pour «faute lourde» pour deux raisons, selon le jugement rendu par la première chambre civile du tribunal judiciaire de Paris. Les policiers de la BAC «pouvaient être appelés à intervenir sur des conflits du quotidien ou des infractions de dangerosité moyenne», rappelle le jugement. Ils auraient cependant dû avoir sur eux des armes non létales, comme une «matraque télescopique, une bombe lacrymogène ou un pistolet à impulsion électrique», ce qui n’était pas le cas alors qu’ils «intervenaient face à un homme potentiellement armé uniquement d’un couteau».

Par ailleurs, la justice condamne également l’Etat pour la mauvaise prise en charge des enfants : ils ont assisté au décès de leur père, sont restés environ deux heures dans une chambre de l’appartement sans prise en charge médicale, et ont annoncé eux-mêmes à leur mère le décès, ce qui démontre «une inaptitude du service public de la justice à mener sa mission». L’Etat devra payer au total 138 000 euros à la veuve de Shaoyao Liu et ses cinq enfants.