Un changement de version très sujet à caution. Franck Elong Abé dit avoir tué Yvan Colonna pour remplir un contrat commandé par des agents de la DGSI. C’est que le suspect de l’agression mortelle du militant corse, survenue le 2 mars 2022, affirme à présent dans un courrier adressé au magistrat instructeur le 14 février. Des propos à prendre «avec la plus grande prudence» eu égard à ses troubles psychiques a réagit ce mercredi 20 mars une source proche du dossier. Le ministère de l’Intérieur a lui fermement démenti auprès de l’AFP des allégations «fausses» et «sans fondement».
Dans sa lettre, celui qui a assassiné le militant corse à la prison d’Arles (Bouches-du-Rhône) en 2022 évoque «un acte commandité» et revient sur sa version initiale. «A la suite de son dernier interrogatoire au cours duquel il avait donné une version des faits totalement différente, Franck Elong Abé a écrit au magistrat instructeur pour évoquer un acte commandité par des individus se présentant sous une fausse identité mais étant des agents de la DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure] qui lui auraient intimé l’ordre d’assassiner Yvan Colonna», a détaillé la source proche. L’existence de cette lettre a été révélée ce mercredi 20 mars par Corse-Matin et France 3 Corse.
Info Libé
«L’état psychiatrique de Franck Elong Abé, dont les experts ont conclu qu’il avait eu une altération du discernement, et l’incohérence d’une partie de son écrit conduisent à considérer ses nouvelles déclarations avec la plus grande prudence», a ajouté cette source.
Yvan Colonna, qui purgeait une peine de réclusion à perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, avait été violemment agressé le 2 mars 2022 dans la salle de sport de la prison d’Arles par cet homme radicalisé condamné notamment dans un dossier terroriste. Il est mort un mois plus tard.
Assassinat en relation avec une entreprise terroriste.
Au moment des faits, Franck Elong Abé était classé détenu particulièrement signalé (DPS) depuis novembre 2015 en raison de sa «grande dangerosité», de «son instabilité» et de «la persistance de son comportement violent», selon des documents d’enquête. Il purgeait alors plusieurs peines, dont une de neuf ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs terroriste, et était libérable en décembre 2023. Le suspect, actuellement âgé de 37 ans, est mis en examen pour assassinat en relation avec une entreprise terroriste.
Reportage
Lors de ses premiers interrogatoires, Franck Elong Abé avait expliqué s’en être pris à Yvan Colonna parce qu’il aurait blasphémé contre le prophète Mahomet. Il avait alors affirmé avoir «agi seul», «pour le compte d’aucun groupe».
Dans un rapport publié en mai 2023, une commission d’enquête parlementaire sur les conditions de cette agression mortelle a pointé de «graves défaillances» dans l’appréciation de la dangerosité de Franck Elong Abé, une «rigueur» excessive du traitement carcéral infligé à Yvan Colonna et des «dysfonctionnements» d’ordre général dans l’établissement pénitentiaire.
Mise à jour : à 18h14, avec l’ajout des dénégations du ministère de l’Intérieur.