La détention à la maison centrale d’Arles d’Yvan Colonna, icône politique au profil hautement explosif, aurait pu laisser supposer un dispositif de sécurité particulièrement attentif. Militant indépendantiste condamné à la perpétuité pour l’assassinat du préfet Claude Erignac, à Ajaccio en 1998, Colonna réclamait depuis des années son transfert en Corse, où il serait moins en danger et plus proche de sa famille. Transfert que l’Etat lui a systématiquement refusé, s’abritant derrière son statut de «détenu particulièrement signalé», qui suppose une surveillance particulière.
Notre enquête sur l’assassinat en prison du militant nationaliste démontre que rien dans son dispositif de surveillance n’était particulièrement signalé, ou suivi, ou vérifié, ou même accompli. Des défaillances pénitentiaires évidentes ont permis au détenu Franck Elong Abé, islamiste radical formé chez les talibans en Afghanistan, d’être seul pendant plus de huit minutes avec celui-ci, armé de ce qu’il lui fallait pour l’étrangler et l’étouffer : des sacs poubelle fournis par l’administration de la prison. Comment cela a-t-il été possible ? La négligence des règles de sécurité les plus élémentaires saute aux yeux. Pourquoi les images de vidéosurveillance n’étaient-elles pas visibles des gardiens ? Pourquoi aucun personnel n’était-il présent dans la salle de sport ? Tout, dans notre déroulé des faits, démontre un manque d’attention fatal. Voire évoque un mépris pour la sécurité des détenus. La flambée de colère sur l’île déclenchée par l’agression d’Yvan Colonna n’est que le reflet de la frustration des Corses, en particulier des jeunes, face à l’immobilisme de ce gouvernement malgré leurs avertissements, y compris ceux qui se sont révélés tragiquement justifiés. Leur revendication de faire toute la lumière sur les circonstances de cet assassinat n’en est que plus justifiée.