D’une tentative d’intimidation du clan adverse à la mort d’un ado de 15 ans et d’un chauffeur VTC, victime «collatérale» d’une affaire qui ne le concernait pas. La guerre des gangs a fait deux morts supplémentaires cette semaine à Marseille, au terme d’une série d’événements d’une «sauvagerie inédite» que le procureur de la République de la ville, Nicolas Bessone, a détaillés devant la presse, ce dimanche 6 octobre. Une information judiciaire a été ouverte pour «homicide volontaire avec préméditation en bande organisée, association de malfaiteurs, acquisition, détention et transport d’arme de catégorie B par au moins deux personnes», et deux suspects ont été déférés. Le premier est un homme de 23 ans, au «casier sérieux» mais «pas connu dans les radars pour être au sommet de la pyramide» du trafic de drogues à Marseille. Il est accusé d’avoir commandité le meurtre depuis la prison de Luynes, près d’Aix-en-Provence, où il était déjà incarcéré. Le deuxième est un adolescent de 14 ans, poursuivi pour homicide.
Reportage
Sur les réseaux sociaux, le détenu de Luynes, qui appartient au gang DZ Mafia, avait recruté contre 2 000 euros un mineur de 15 ans, chargé de tirer dans la porte de l’appartement d’un concurrent, dans la cité Félix-Pyat (3e arrondissement de Marseille). Sur place, mercredi 2 octobre, l’adolescent a été surpris et pris à partie par une bande présente au pied de l’immeuble. Ses agresseurs l’ont fouillé et ont découvert son arme de poing. Il sera ensuite «lardé de 50 coups de couteau et conduit à la cité Fonscolombes» pour y être «brûlé vif», selon le récit du procureur de la République.
«Il ne faisait qu’exercer son métier»
Après ce drame, le détenu de Luynes commandite un second «contrat» pour se venger en recrutant un mineur de 14 ans, originaire du Vaucluse, pour aller tuer un membre du clan ennemi des «Blacks», contre 50 000 euros cette fois-ci. L’adolescent passe à l’acte vendredi 4 octobre avant l’aube. Pour exécuter sa mission, il s’arme d’un pistolet et commande un taxi. Repérant la personne qu’il croit devoir tuer, il demande au chauffeur VTC de l’attendre. Ce dernier refuse, provoquant la colère du mineur qui l’aurait alors abattu d’une balle dans le crâne. La victime, Nessim Ramdane, avait 36 ans, il était père de jumeaux de 11 ans et d’une fille de 4 ans. Il jouait au foot au niveau amateur, au sein duquel il jouissait d’une excellente réputation, pour sa «mentalité exemplaire» et ses qualités d’éducateur, selon la Provence. «Une victime qui, ni de près ni de loin, n’a un quelconque lien avec le trafic de stups. Il ne faisait qu’exercer son métier», a commenté Nicolas Bessone.
Elément paradoxal du dossier, qui suscite encore l’interrogation des enquêteurs : c’est le commanditaire du «contrat» lui-même qui a appelé la police pour dénoncer l’adolescent, qui n’avait donc pas rempli sa mission, et révéler sa localisation, permettant son interpellation. En garde à vue, le mineur, placé en foyer depuis ses 9 ans avec des parents eux-mêmes détenus dans des affaires liées aux stupéfiants, a reconnu avoir tiré sur le chauffeur, expliquant cependant que le coup serait «parti accidentellement». Le parquet a requis son placement en détention provisoire. «Il est impératif de prendre la pleine mesure des ravages liés aux trafics de stupéfiants, qui sapent les fondements mêmes de notre société», avec des jeunes «grisés par l’argent facile de la drogue, […] jusqu’au mépris total de la vie humaine», avait alerté en septembre le procureur général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, Franck Rastoul, lors de son discours de rentrée.
Prise de contrôle d’un point de deal
Nicolas Bessone a souligné ce dimanche que les faits survenus cette semaine s’inscrivent dans un «conflit actuel opposant, dans le 3e arrondissement de Marseille, la DZ Mafia et le clan des Blacks de la cité Félix-Pyat, notamment pour la prise de contrôle du point de deal de la cité du Moulin-de-Mai». La DZ Mafia a pris l’ascendant cette année sur le gang rival de Yoda, dont le chef, Félix Bingui, a été arrêté en mars. «On a un ultra-rajeunissement» des auteurs et une victime touchée non pas par une balle perdue mais «froidement abattue», a déploré le procureur de Marseille. Avec ces deux dernières affaires, le nombre de narchomicides – terme utilisé par la justice marseillaise pour qualifier les règlements de comptes sur fond de trafic de drogues – est désormais passé à 17 depuis le début de l’année. Un phénomène cependant en baisse sur l’année 2024, par rapport au nombre record de 49 morts en 2023. Tandis que les autorités se félicitent de l’effet des opérations «place nette XXL», certains, magistrats et avocats en tête, critiquent leur caractère cosmétique.
Mis à jour à 17 h 28 avec plus de contexte.