Menu
Libération
Justice

Nicolas Sarkozy définitivement condamné à un an sous bracelet électronique dans l’affaire Bismuth

Procès Sarkozy : l'ancien président face à la justicedossier
La Cour de cassation a validé, ce mercredi 18 décembre, la condamnation de l’ancien président de la République à un an de prison ferme dans l’affaire des écoutes.
Nicolas Sarkozy, le 7 avril. (Luke Dray/Getty Images. AFP)
publié le 18 décembre 2024 à 14h10

Il fera bon voisinage avec sa montre de luxe. C’est un bracelet électronique que Nicolas Sarkozy, 69 ans, va devoir tout prochainement arborer pendant un an, après avoir épuisé tous les recours suspensifs possibles. Ce mercredi 18 décembre, la Cour de cassation a en effet confirmé pour de bon sa condamnation à trois ans de prison dont un ferme pour corruption et trafic d’influence, dans l’affaire dite Bismuth. La cour d’appel de Paris, dans sa bienveillance, avait proclamé en mai 2023 que «la partie ferme sera aménagée sous surveillance électronique à domicile», après avoir tenu des propos sévères à l’endroit de Nicolas Sarkozy, pointant «des arrangements occultes destinés à bénéficier à des intérêts privés d’autant plus graves qu’ils ont été commis par un ancien président de la République, garant de l’indépendance de la justice, qui avait le devoir de se comporter un citoyen parfaitement respectable».

Affaire la plus pittoresque

Et cerise sur le gâteau : trois ans de privation de droits civiques, donc l’interdiction de se présenter à une élection, si l’envie lui en prenait. Et même d’endosser la robe d’avocat à la barre d’un tribunal – c’est son métier d’origine, qu’il a depuis réembrassé, se contentant de délivrer de plus ou moins précieux conseils. Une sanction sans précédent pour un ex-président de la République. Son ex-mentor Jacques Chirac avait lui écopé en 2011 de deux ans de prison avec sursis dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris.

Nicolas Sarkozy devrait être convoqué – en principe dans un délai inférieur à un mois – devant un juge d’application des peines (JAP), qui fixera les modalités de son bracelet, posé ultérieurement. En pratique, sa pose lui imposera de demeurer à domicile à certaines heures de la journée, généralement la nuit : adieu aux conférences à l’étranger généreusement rémunérées et aux dîners en ville. A partir de ses 70 ans, ce 28 janvier, il pourra demander une libération conditionnelle, une mesure pas forcément accordée.

Ce n’est pas la pire des affaires visant l’ancien locataire de l’Elysée, mais la plus pittoresque, d’autant qu’elle se situe à la confluence d’autres enquêtes pénales. En 2014, se sachant mis sur écoute téléphonique dans le dossier libyen (dont le procès pénal s’ouvrira le 6 janvier 2025, sur trois mois), Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog mettent en place une ligne dédiée sous un nom d’emprunt, le désormais célèbre Paul Bismuth. Ils évoquent alors très librement l’affaire Bettencourt : le premier venait certes d’obtenir un non-lieu pour abus de faiblesse de la milliardaire héritière de L’Oréal, mais il était surtout soucieux d’obtenir de la Cour de cassation la restitution de ses carnets et agendas présidentiels. Le second lui fait alors miroiter l’intervention d’un haut magistrat, Gilbert Azibert. Pour prix de ses services : un «coup de pouce» en vue d’obtenir sa nomination pour un poste aussi honorifique que bien rémunéré dans la haute magistrature monégasque.

Et maintenant, l’affaire Bygmalion

Il n’y aura pas de passage à l’acte, et pas de préretraite à Monaco pour Gilbert Azibert, Nicolas Sarkozy obtenant finalement par la voie normale la restitution de ses agendas. Mais en matière de corruption, la seule intention suffit à caractériser le délit. D’où sa condamnation. En Cassation, la défense a une nouvelle fois plaidé l’illégalité d’une écoute téléphonique entre un avocat et son client. Emmanuel Piwnica, avocat de Thierry Herzog, avait ainsi fustigé à l’audience une procédure qui «n’aurait jamais dû voir le jour», parlant d’un dossier où «on ne compte plus les illégalités commises, les manquements, les atteintes aux droits fondamentaux». Mais les sombres tractations sur la ligne Bismuth entrent-elles dans cette catégorie du secret professionnel ? La plus haute juridiction française a répondu que non : «Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) l’interdiction d’utiliser contre le client d’un avocat les propos échangés entre eux sur une ligne téléphonique placée sur écoute dès lors que les propos révèlent des indices de nature à faire présumer la participation de l’avocat à une infraction pénale.» Elle a également écarté un argument, parmi la vingtaine développée par la défense, qui s’appuyait sur une décision récente du Conseil constitutionnel. Fin du match et des indignations de principe.

Sauf que Nicolas Sarkozy n’entend pas lâcher l’affaire, avec un recours précisément devant la CEDH. Recours qui n’est toutefois pas suspensif. Sur X, il a voulu «redire» sa «parfaite innocence» : «Je ne suis pas décidé à accepter l’injustice profonde qui m’est faite.» Avant de se dire «victime depuis douze ans d’un harcèlement judiciaire sur un soi-disant pacte de corruption sans aucune contrepartie». Son avocat, Patrice Spinosi, justifie cette ultime passe d’armes procédurale devant la CEDH pour «obtenir les droits que les juges français lui ont dénié». Et d’ajouter : «C’est évidemment une défaite pour Nicolas Sarkozy, mais c’est aussi une défaite pour les libertés fondamentales, pour les droits de la défense, pour le droit au secret professionnel qui est absolument fondamental. Il est impossible de condamner une personne uniquement sur ce qu’il a pu dire à son avocat.» Au sein de la sarkozie à la dignité outragée, le conseiller en communication Thierry Saussez a proclamé sur BFMTV : «C’est un jour triste, une tache pour la justice française, mais la vérité finira par triompher.»

Mais Nicolas Sarkozy n’en a peut-être pas fini avec les bracelets électroniques, car un second lui pend au poignet ou plus sûrement à la cheville (l’emplacement le plus souvent utilisé) : dans l’affaire Bygmalion, soit le financement illégal de sa campagne présidentielle de 2012 (42,8 millions d’euros dépensés, soit le double du plafond autorisé de 22,5), la cour d’appel a confirmé en février 2023 sa condamnation à un an de prison dont la moitié avec sursis, la partie ferme étant aménageable sous surveillance à distance. Mais là encore un pourvoi en Cassation est en cours : décision à venir en 2025, retardant cette nouvelle échéance peut-être fatale.

Ultime échappatoire possible : Nicolas Sarkozy, qui aura 70 ans le 28 janvier prochain, pourrait faire jouer une règle qui permet aux septuagénaires un aménagement de peine, à négocier avec son JAP (juge d’application des peines). Et donc d’être sauvé par le gong, au bénéfice de l’âge. Fors l’honneur.