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Décision

Nouvelle-Calédonie : le blocage de TikTok pendant les émeutes est jugé «illégal» par le Conseil d’Etat

La plus haute juridiction administrative française a estimé, ce mardi 1er avril, que le blocage temporaire de la plateforme durant le soulèvement de 2024 a «porté atteinte disproportionnée aux droits et libertés».
A Houaïlou, en Nouvelle-Calédonie, le 1er juillet 2024. (Théo Rouby/AFP)
publié le 1er avril 2025 à 15h44

Le blocage temporaire du réseau social TikTok en Nouvelle-Calédonie par le gouvernement lors des violentes émeutes de 2024 était «illégal» a jugé, ce mardi 1er avril, le Conseil d’Etat. Dans un communiqué, la plus haute juridiction administrative en France estime que ce blocage a «porté une atteinte disproportionnée aux droits et libertés».

Toutefois, les «sages» ont considéré qu’en cas de «circonstances exceptionnelles», une telle interruption pouvait être légale à trois conditions : qu’elle soit indispensable pour faire face à des événements d’une particulière gravité, qu’aucun moyen technique ne permette de prendre immédiatement des mesures alternatives et qu’elle soit prise «pour une durée limitée nécessaire à la recherche et la mise en place de ces mesures alternatives».

Or, la décision du Premier ministre de l’époque, Gabriel Attal, de suspendre l’accès à TikTok en Nouvelle-Calédonie entre le 15 et le 29 mai 2024 «ne respectait pas l’ensemble de ces conditions», a jugé le Conseil d’Etat. «C’est une victoire à la Pyrrhus car, même si elle est précieuse pour les libertés en des temps dégradés, elle entérine surtout le principe d’une suspension d’un réseau social en cas de circonstances exceptionnelles», a réagi auprès de l’AFP l’avocat Vincent Brengarth, qui représente les trois particuliers ayant saisi le Conseil d’Etat aux côtés des associations la Ligue des droits de l’homme et la Quadrature du Net.

Menace pour l’avenir

«Le raisonnement du Conseil d'Etat est menaçant pour l’avenir», a commenté de son côté l’avocat Patrice Spinosi, conseil de la LDH. «Un gouvernement populiste pourra s’inspirer de cette décision en la détournant pour adopter des mesures restreignant les libertés de l’ensemble des citoyens en se bornant à invoquer des ‘‘circonstances exceptionnelles‘‘», a-t-il mis en garde.

Cette interdiction de TikTok avait été permise par la proclamation de l’état d’urgence le 15 mai et la présence d’un unique opérateur télécoms sur le territoire. Le gouvernement a considéré le réseau social, propriété de la société chinoise ByteDance, comme un des vecteurs de communication préférés entre les groupes qui commettaient des violences la nuit. Cette mesure d’interdiction était également intervenue sur fond de craintes d’ingérences et de désinformation sur les réseaux sociaux venant de pays étrangers qui chercheraient à attiser les tensions, selon des sources gouvernementales et de sécurité, évoquant la Chine ou l’Azerbaïdjan.