Après deux nuits d’émeutes en Nouvelle Calédonie causant la mort de trois personnes, l’exécutif réagit. En début d’après-midi ce mercredi 15 mai, l’Elysée a fait savoir, dans un communiqué, qu’Emmanuel Macron avait décidé de déclarer l’état d’urgence sur l’île. Le chef de l’Etat répond alors favorablement à la demande de plusieurs élus locaux. Dans un courrier adressé à Emmanuel Macron, la principale figure du camp non-indépendantiste, l’ex-secrétaire d’Etat Sonia Backès, avait justement demandé au Président de déclarer l’état d’urgence, «notamment en engageant l’armée aux côtés des forces de police et de gendarmerie». «Nous sommes en état de guerre civile», a-t-elle déploré. Une demande également relayée par le Rassemblement national et les Républicains.
L’état d’urgence est un régime d’exception controversé qui doit être déclaré par décret pris en Conseil des ministres. Il résulte d’une loi votée en 1955, au commencement de la guerre d’Algérie. L’état d’urgence peut être déclaré sur tout ou une partie du territoire, soit en cas de «péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public», soit en cas de «calamité publique» (telle qu’une catastrophe naturelle). L’état d’urgence possède une durée initiale de douze jours, mais peut être prolongé par une loi votée au Parlement. L’objectif : renforcer les pouvoirs des autorités civiles tout en restreignant certaines libertés publiques ou individuelles.
Pouvoirs renforcés
Grâce à ce régime d’exception, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et les préfets pourraient notamment interdire des manifestations ou des rassemblements, interdire des réunions publiques, réclamer la fermeture de lieux publics. Il permet aussi, sur disposition expresse du décret déclarant l’état d’urgence, décider du contrôle de la presse, des publications, des émissions de radio ou encore des projections de cinéma et des représentations théâtrales. Enfin, il permet aussi de dessaisir la justice de prérogatives essentielles : les autorités administratives obtiennent le droit de pratiquer des perquisitions, de jour comme de nuit, et la justice militaire peut être déclarée compétente.
Pour aller plus loin
Du fait de la nature exceptionnelle de l’état d’urgence, il n’a été déclaré que six fois depuis 1955 : trois fois lors des attentats pendant la guerre d’Algérie, une fois en 1984 lors des événements en Nouvelle-Calédonie, lors des révoltes de 2005 après la mort de Zyed et Bouna, et plus récemment en 2015, après les attentats terroristes à Paris et Saint-Denis. Depuis, cette loi «n’a cessé d’être renouvelée, jusqu’à être introduite par morceaux dans le droit commun», détaille l’avocat Henri Leclerc, président d’honneur de la Ligue des droits de l’homme, dans une interview pour Libération. «Que l’Etat profite des moments de peur collective pour restreindre les libertés me paraît dangereux», juge l’avocat dans cet entretien. La dernière fois que l’état d’urgence avait été déclaré, c’était en juin 2023, après la mort de Nahel.