Au moment où un ministre (celui de la Justice, Eric Dupond-Moretti) était relaxé, un autre a appris ce mercredi après-midi la peine à laquelle il risque d’être condamné : 10 mois de prison avec sursis et 15 000 d’amende. Jugé depuis lundi à Paris dans une affaire de «favoritisme», le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a écouté durant près de deux heures les réquisitions du parquet national financier (PNF), qui avait diligenté une enquête à son encontre en mai 2020, à la suite d’un article publié par Mediapart.
On reproche à l’ancien socialiste, bon élève du gouvernement d’Elisabeth Borne qui a porté la réforme des retraites pendant la première moitié de l’année, des faits remontant à 2009, époque où il était le jeune maire (30 ans) de la commune ardéchoise d’Annonay. Il avait fait campagne en promettant que la gestion et l’assainissement de l’eau dans la commune passeraient sous régie publique après quatre décennies de délégation de service public auprès d’un des principaux acteurs français du secteur, la Saur. Mais un contrat de sous-traitance pour la gestion de l’eau, fin 2009, avait finalement été réattribué à cette même société.
Un lycéen qui connaitrait les sujets du bac avant l’épreuve
L’accusation estime que le maire et la direction de la Saur, en la personne de son directeur général de l’époque, Olivier Brousse – contre qui 8 mois avec sursis et 15 000 euros d’amende ont été requis – se sont entendus au cours d’une réunion organisée fin juillet à Paris. A cette occasion a notamment été abordée la question des «futurs marchés». «Monsieur Dussopt s’est livré avec un des futurs candidats [au marché de la gestion de l’eau] à la définition et au choix des critères sur la base desquels ce futur candidat allait être jugé», a résumé un des procureurs, son collègue faisant une analogie avec un lycéen qui aurait connaissance des sujets du bac trois mois avant l’épreuve.
La défense du ministre, qui a livré sa plaidoirie mercredi en milieu d’après-midi, a déploré la «violence et l’injustice conséquentes et regrettables des réquisitions dont [Olivier Dussopt] fait l’objet». Son avocat, qui a sans surprise plaidé la relaxe, a insisté sur le fait qu’on jugeait non pas un ministre, mais «un garçon de 29 ans et demi, 30 ans, qui vient d’être élu maire d’Annonay» et qui était alors «désireux de faire faire des économies à ses administrés» alors que les relations avec la Saur étaient compliquées. Selon lui, la société n’a bénéficié d’aucune «information privilégiée» qui lui aurait permis d’emporter le marché, puisqu’à compter de la publication de l’appel d’offres, tous les candidats étaient «remis sur un pied d’égalité», «peu importent les discussions qui ont eu lieu avant». Il a aussi fait valoir que ce «garçon» était «incapable de dissimulation».
Mis à jour à 17h42 : ajout de la plaidoirie en défense de l’avocat d’Olivier Dussopt.