Le rabbin d’Orléans, Arié Engelberg, a été violemment agressé samedi 22 mars en pleine rue. Selon les premiers éléments de l’enquête, le suspect serait un jeune homme affirmant avoir 16 ans, connu par les services de police sous différentes identités. La classe politique a dénoncé à l’unisson cette agression antisémite.
Que s’est-il passé ?
Le rabbin a été «frappé à la tête, mordu à l’épaule et insulté», alors qu’il rentrait de la synagogue samedi vers 13 h 30, en compagnie de son fils de neuf ans, a-t-il témoigné dimanche soir sur BFMTV. Son agresseur lui a demandé s’il était juif. «J’ai répondu oui», a dit Arié Engelberg. «Il a commencé à dire “tous les Juifs sont des fils de...”», a poursuivi le rabbin, qui a raconté que son agresseur voulait le filmer avec son téléphone et l’insultait. «J’ai décidé d’agir et j’ai poussé son téléphone», l’agresseur «a porté des coups, je me suis protégé», a raconté le rabbin.
Le suspect l’a ensuite mordu, a encore décrit Arié Engelberg, qui a été secouru par plusieurs personnes. «Grâce à Dieu, je vais bien, mon fils. Ça va de mieux en mieux. On a reçu énormément de soutien», a encore déclaré le rabbin d’Orléans.
Présent au moment des faits, Yann Chaillou, fondateur de l’association «Tous Orléans» et candidat à la mairie, témoigne auprès de Libération. «Je rentrais chez moi et j’ai levé la tête car j’entendais des cris et des klaxons. Je me suis dit que deux automobilistes s’embrouillaient probablement mais j’ai vu un homme frapper un autre. J’ai vu la victime se défendre puis un commerçant du quartier s’interposer avec ses mains. Arrivé à 5 mètres de la scène, j’ai vu l’agresseur s’éloigner calmement, même s’il paraissait vraiment énervé.» Ayant reconnu le rabbin Engelberg, Yann Chaillou est allé apporter son soutien. «D’autres témoins m’ont rejoint, dont deux jeunes de confession musulmane qui ont appelé la police, que nous avons attendue ensemble. Nous avons essayé de rassurer la victime. Nous lui avons dit que nous trouvions cela choquant et anormal. On était vraiment indignés.»
Pour lui, il n’y a aucun doute sur le caractère antisémite de l’agression. «Il était identifiable, j’ai vu un juif se faire agresser parce qu’il est juif.» Selon cette même source, le rabbin Engelberg aurait rapporté que l’agresseur lui aurait demandé s’il était juif, avant de lancer que «tous les Juifs sont des fils de pute». Selon le président de la Communauté israélite de la ville, André Druon, le rabbin Engelberg s’est adressé dimanche à sa communauté pour «raconter son agression», il était «très marqué» et «choqué».
Quel est le profil de l’auteur de l’agression ?
Un adolescent de 16 ans a été interpellé samedi soir, a indiqué ce dimanche la procureure de la République d’Orléans, Emmanuelle Bochenek-Puren. Une enquête a été ouverte pour «violences volontaires commises en raison de l’appartenance réelle ou supposée de la victime à une religion» contre l’agresseur, qui avait pris la fuite, a déclaré le parquet d’Orléans. Le suspect, mineur et inconnu des services de renseignement, a été interpellé par des policiers de la BAC vers 21 h 45 et placé en garde à vue, a précisé une source proche du dossier, confirmant une information de BFM TV.
Selon les informations de Libération, le mineur interpellé a été formellement identifié par la victime. «Le mis en cause, connu sous plusieurs identités, sera déféré demain», indique une source policière. Le suspect serait connu sous au moins trois identités, une marocaine et deux palestiniennes, selon une source proche du dossier. Sur des images diffusées par BFMTV et Le Parisien, on peut voir la fin de l’agression, filmée à 13 h 38 selon nos informations. Un jeune homme vêtu d’une veste à capuche frappe à deux reprises au niveau de la tête un deuxième homme habillé d’un manteau noir et d’une chemise blanche. Un troisième homme s’interpose tandis que l’agresseur s’éloigne en donnant un coup de pied au niveau du sol. Selon un témoin contacté par Libération, le coup de pied visait le chapeau du rabbin qui était au sol.
Quelles sont les réactions ?
Emmanuel Macron a dénoncé ce dimanche 23 mars le «poison» de l’antisémitisme, promettant de ne céder «ni au silence ni à l’inaction» face à cela. «L’agression du rabbin Arié Engelberg à Orléans nous choque tous. Je lui adresse, ainsi qu’à son fils et à tous nos compatriotes de confession juive, tout mon soutien et celui de la Nation», a écrit sur X le chef de l’État.
Haine
«Non, l’antisémitisme n’est pas résiduel», avait réagi dès samedi soir le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Yonathan Arfi, sur X. «Ceux qui minimisent, relativisent ou justifient la haine des Juifs par un conflit à 4 000 km portent une immense responsabilité», a-t-il écrit. Le maire d’Orléans, l’ex-LR Serge Grouard (DVD), a dénoncé sur X «une atteinte grave aux valeurs de notre République», estimant que «certains partis et leaders politiques, par leur silence complice ou leurs déclarations choquantes, légitiment cette dérive dramatique».
«Agression insupportable du rabbin d’Orléans, frappé à la tête et mordu alors qu’il rentrait de la synagogue. Soutien à lui, sa famille et ses proches», a écrit le député LFI Thomas Portes sur le même réseau social. Manuel Bompard, coordinateur de LFI, a qualifié sur X d’«insupportable» cette agression. «Plus que jamais, soyons unis pour combattre l’antisémitisme et tous les racismes.» Le président du RN, Jordan Bardella, a dénoncé sur le même réseau une «nouvelle manifestation de la fièvre antisémite qui monte dans notre pays, alimentée par une extrême gauche incendiaire».
Et maintenant ?
Un manifestation de soutien est organisée ce dimanche à 19 h 30 place de la Bastille à Paris par l’Union des étudiants Juifs de France et l’Union des lycéens juifs de France tandis qu’une marche silencieuse «en soutien au rabbin» et «contre l’antisémitisme» est prévue mardi à 18 heures à Orléans, à l’appel de plusieurs associations juives locales. Jusqu’à présent, Orléans avait été plutôt épargnée par les actes antisémites, a expliqué dimanche le président de la communauté israélite de la ville, André Druon. «Depuis au moins le 7 octobre nous n’avons pas eu à relever d’incident, si ce n’est quelques graffitis», jusqu’à cette «agression très violente d’un rabbin», a-t-il déploré.
Selon des chiffres du ministère de l’Intérieur, 1 570 actes antisémites ont été recensés en 2024, une baisse de 6 % de par rapport à l’année précédente. Les faits antisémites représentent 62 % des actes antireligieux et sont constitués à 65 % d’atteintes aux personnes. Ce qui n’est pas le cas des autres religions pour lesquelles les atteintes aux biens sont majoritaires. Le Crif avait déploré en janvier un niveau «historique» de ces attaques pour la deuxième année consécutive, avec une «explosion» après le 7 octobre 2023, date de l’attaque sans précédent du Hamas en Israël.
Mis à jour à 16 h 10, modification du format de l’article ; à 18 h 30, avec de nouveaux détails.