Cette fois-ci, prenons le temps de les regarder tandis qu’ils avancent d’un pas timide vers l’estrade : le juré 25 qui baisse la tête, le juré 27 en manteau de cuir noir, le juré 23 qui préférerait visiblement être ailleurs… Sept hommes, assez jeunes – la défense ayant pris soin de composer un panel en miroir de son client – et deux femmes. Avant d’être tirés au sort, ils ont peut-être entendu, au milieu des bruissements de la salle, des avocats prononcer le mot «hors-norme» ou plaisanter : «C’est pas un procès, c’est un abonnement.»
Il faut dire que l’affaire, déjà pas banale, est devenue exceptionnelle depuis que la Cour de cassation a annulé, en 2022, le verdict de la cour d’appel pour un vice de forme. Cet homme dans le box, avec son regard fixe et ses cheveux gominés, est donc jugé pour la troisième fois. En première instance à Albi, puis en appel à Toulouse, Guerric Jehanno a été condamné à trente ans de réclusion criminelle pour l’enlèvement, le viol et le meurtre d’Amandine Estrabaud. A Montauban, tout recommence. Et rien n’a changé. Ni sa position : il est innocent. Ni l’énigme : pas de corps, pas d’arme, pas de preuves. Ni les avocats (le tandem père /fils Debuisson en partie civile et Mes Simon Cohen et Marie-Hélène Pibouleau en défense). Alors, prenons le temps de les regarder ces inconnus qui ne se doutent pas encore de l’enclume qui va s’abattre sur leurs épaules, qui auront une semaine pour décider d’un destin avec ciel ou avec barreaux. Et