Menu
Libération
Justice

Pédopornographie : l’ex-handballeur Bruno Martini condamné à douze mois de prison avec sursis

«Libé» tout en BDdossier
Le double champion du monde avec l’équipe de France et patron démissionnaire de la Ligue nationale de hand avait été placé en garde à vue lundi, après une plainte d’un adolescent de 13 ans approché sur Internet pour échanger des images à caractère sexuel.
Dessin de Camille Poulie. Dernier ouvrage paru, Bunker (Dupuis). (Camille Poulie/Libération)
publié le 25 janvier 2023 à 13h49
(mis à jour le 25 janvier 2023 à 15h28)

Cet article est publié dans le cadre du «Libé tout en BD», entièrement illustré par des dessinateurs et dessinatrices à l’occasion de l’ouverture du 50e festival d’Angoulême. Retrouvez tous les articles de cette édition ici, et le journal en kiosque jeudi 26 janvier.

Douze mois d’emprisonnement avec sursis, 2 500 euros d’amende pour «corruption de mineur» et «enregistrement d’images pédopornographiques». Bruno Martini, ancien double champion du monde avec l’équipe de France de handball et désormais ex-patron de la Ligue nationale de handball (LNH), a été condamné ce mercredi à l’issue d’une reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).

Interpellé lundi puis placé en garde à vue, après une enquête ouverte en juin 2020, Martini a comparu rapidement selon cette procédure classique de «plaider-coupable», créée il y a dix-neuf ans pour désengorger les tribunaux. L’homme de 52 ans a accepté la sanction – complétée par cinq ans d’interdiction d’exercer une activité impliquant un contact avec un mineur. Celle-ci a été confirmée dans l’après-midi lors d’une audience d’homologation, selon son avocat, Me Elie Dottelonde.

C’est France Info qui a dévoilé l’affaire ce même jour. Celle-ci «commence avec la plainte d’un adolescent de 13 ans à l’été 2020, selon la radio. Accompagné de sa mère, il explique à la police avoir été approché sur un réseau social par un homme qui l’a amené à échanger avec lui plusieurs selfies et vidéos à caractère sexuel. L’homme lui avait même proposé un rendez-vous et payé un taxi pour le faire venir jusqu’à lui. L’adolescent a finalement rebroussé chemin au dernier moment». Après des mois d’enquête, les policiers n’ont pas identifié «d’autres victimes» mais parviennent à découvrir Bruno Martini derrière le pseudo utilisé par le suspect sur Internet.

«Rongé de culpabilité»

L’avocat de l’ancien handballeur, contacté par Libération, explique que son client «assume et reconnaît les faits». «Il est rongé de culpabilité et regrette énormément», argue-t-il. Selon sa version, les échanges avec l’adolescent étaient «consentis et sollicités de part et d’autre». Bruno Martini estimait que celui-ci «avait plus de 15 ans» et «aucun élément ne laissait penser» le contraire. Passibles de cinq ans d’emprisonnement, les faits de «corruption de mineur» peuvent être punis jusqu’à dix ans d’emprisonnement lorsqu’ils sont commis à l’encontre d’un mineur de moins de 15 ans.

Pour l’avocat Elie Dottelonde, le fait que le procureur de la République ait accepté une CRPC et proposé une peine de douze mois avec sursis montrerait que son client n’est pas «un pédocriminel en puissance» et ne faisait pas «de recherche spécifique de la minorité» dans ses multiples relations. A ses yeux, le fait qu’aucune obligation de soins n’ait été demandée permet de «déduire que le ministère public estime qu’il ne représente pas un danger significatif pour la société».

Un comité directeur extraordinaire à la LNH

L’affaire est néanmoins lourde pour le handball tricolore, alors que l’équipe de France masculine dispute ce mercredi soir un quart de finale de championnat du monde contre l’Allemagne. Outre son passé d’international de premier plan, Martini était président de la ligue nationale depuis novembre 2021, un poste gérant les affaires des 32 clubs professionnels français, de première et deuxième divisions. Auparavant, il a été pendant quasiment une décennie le manager général du PSG Handball sous pavillon qatari.

Réuni en urgence à la mi-journée, le comité directeur de la LNH n’a pas tardé à faire connaître sa position sur des «faits d’une extrême gravité» : «Les dirigeants de la LNH attendent la probable et souhaitable démission de Bruno Martini, sachant qu’une éventuelle condamnation conduirait de droit à une impossibilité d’exercice de la fonction.» Une requête entendue : mercredi après-midi, Martini a quitté son poste de président. «Le comité directeur de la Ligue se réunira jeudi 26 janvier pour organiser l’intérim avant l’assemblée générale élective d’ores et déjà programmée le 7 mars prochain», a détaillé la LNH dans un communiqué. La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, avait mis la pression un peu tôt dans la journée, en se disant sur Twitter «profondément choquée» par l’affaire, précisant avoir «évidemment une pensée très émue pour le garçon et sa famille».

L’enquête visant l’ancien international tricolore est la dernière d’une longue suite d’ennuis judiciaires ciblant des dirigeants du sport français. Parmi les plus retentissantes, Bernard Laporte, le président de la Fédération française de rugby (FFR), a été condamné en première instance en décembre à deux ans de prison avec sursis pour avoir noué un pacte de corruption avec l’homme d’affaires et président du club de Montpellier, Mohed Altrad. Il a fait appel de ce jugement et s’est mis en retrait, sous la pression du ministère des Sports et du Comité d’éthique de la FFR. Il a de nouveau été placé en garde à vue mardi dans une affaire de blanchiment de fraude fiscale aggravée, mais en est ressorti sans poursuite à ce stade.

Quant à Noël Le Graët, le tout-puissant patron de la Fédération française de football (FFF), il est visé par une enquête pour harcèlement moral et sexuel et a été contraint de se mettre en retrait lors d’un Comité exécutif extraordinaire. Mise à jour le 25 janvier dans l’après-midi avec les réactions de la LNH et de la FFHB, la confirmation de la condamnation, et la démission de Martini de son poste de président de la ligue.