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Justice

Peine de mort : «Le combat n’est pas terminé», rappelle Robert Badinter

Quarante ans après son discours historique, l’ancien ministre de François Mitterrand a plaidé ce mercredi à l’Assemblée nationale pour l’abolition universelle de la peine capitale, qui reste légale et pratiquée dans une cinquantaine de pays.
Robert Badinter à l'Assemblée nationale ce mercredi. (Raphael Lafargue/ABACA)
publié le 15 septembre 2021 à 17h09

«Je suis certain que le mouvement vers l’abolition universelle se poursuivra» et «tôt ou tard triomphera». Quarante ans après son discours historique pour la fin de la peine capitale en France, l’ancien garde des Sceaux Robert Badinter a prononcé ce mercredi un vibrant plaidoyer pour son abolition universelle, dans un monde où elle recule mais garde de solides bastions, de la Chine aux Etats-Unis.

Debout et sans notes, l’ancien ministre, âgé de 93 ans, s’est exprimé pendant près d’une demi-heure devant un parterre de députés, officiels et représentants de la société civile qui l’ont longuement applaudi, à l’occasion d’un colloque à l’Assemblée nationale. Badinter a ainsi tenu à saluer la mémoire du président socialiste de l’époque, François Mitterrand, qui avait promis cette abolition, et de son successeur de droite, Jacques Chirac, qui l’a inscrite dans la Constitution en 2007.

«Les progrès de cette cause ont été au-delà de nos espérances»

Figure emblématique de ce combat en tant qu’avocat, Robert Badinter avait prononcé son célèbre discours le 17 septembre 1981 au Palais-Bourbon devant les députés. Le lendemain, l’abolition avait été votée à 363 voix pour et 117 contre, puis également adoptée quelques jours plus tard au Sénat. La mise au rebut de la guillotine avait été promulguée le 9 octobre suivant et publiée au Journal officiel le lendemain.

A l’époque, Badinter avait dénoncé une «justice qui tue» et les «exécutions furtives, à l’aube sous le dais noir» tendu dans une cour de prison. La France n’était alors que le 35e Etat du monde à tourner le dos à la peine de mort, et le dernier parmi la Communauté européenne de l’époque. «Ce n’était pas une performance», a reconnu Badinter. Soulignant que sur les 198 Etats des Nations unies d’aujourd’hui, les trois quarts l’ont abolie en droit ou en pratique, il a estimé que «les progrès de cette cause ont été au-delà de nos espérances».

20 000 personnes dans les «couloirs de la mort» à travers le monde

Toutefois, «le combat n’est pas terminé» et des Etats «très puissants ou fanatisés» continuent de la pratiquer, a-t-il souligné, citant la Chine, l’Iran, l’Egypte ou encore l’Arabie Saoudite. Aux Etats-Unis, des exécutions ont toujours lieu, mais «la marche vers l’abolition est continue», veut croire Badinter. En Europe, seul le Bélarus n’a pas encore aboli la peine capitale. Une preuve du «lien indissoluble entre dictature et peine de mort», a-t-il pointé.

Selon l’ONG Ensemble contre la peine de mort (ECPM), plus de 20 000 personnes croupissent actuellement dans les «couloirs de la mort» d’une cinquantaine de pays. Mais outre les résistances internationales, Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, a estimé que la partie n’était pas encore gagnée dans l’opinion française. «A l’intérieur comme à l’extérieur, il nous faut encore convaincre», a-t-il dit. En 2020, 55 % des personnes interrogées dans un sondage Ipsos pour le Monde étaient favorables au rétablissement de la peine de mort en France.

Faisant référence au procès des attaques du 13 novembre 2015 qui s’est ouvert à Paris, Robert Badinter a jugé que la peine de mort reviendrait à «lutter contre les terroristes avec les armes des terroristes».