Lors de l’été 2022, le phénomène des «piqûres sauvages» en boîte de nuit avait semé la panique dans tout l’Hexagone. Parmi les symptômes : nausées, étourdissements, vomissements, sédation ou encore amnésie. Les faits avaient alors très vite ravivé la crainte de la soumission chimique, un terme utilisé par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), pour décrire «l’administration à des fins criminelles (viols, pédophilie) ou délictuelles (violences volontaires, vols) de substances psychoactives à l’insu de la victime ou sous la menace».
Deux ans après ces centaines de signalements – repérés après des traces sur les fesses, une jambe ou un bras et détectées parfois au lendemain de festivités – plusieurs nouveaux cas de piqûres ont été relevés ce vendredi 21 et samedi 22 juin dans trois communes des Alpes-Maritimes (Cagnes, Nice et Vence) et mais aussi à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) et aux Sables-d’Olonne (Vendée), en marge de plusieurs soirées. Libé fait le point sur ce qu’on sait de ces signalements.
Que s’est-il passé lors de la Fête de la musique de Vence vendredi 21 juin ?
Ce vendredi, à l’occasion de la Fête de la musique, de nombreuses personnes se sont donné rendez-vous au quartier de l’Ara, à Vence (Alpes-Maritimes), pour assister à un concert électro. Mais peu de temps après le début des festivités, aux alentours de 23 heures, la musique s’interrompt après des mouvements de foule et un vent de panique. La raison : plusieurs personnes affirment avoir été piquées à la seringue à leur insu, comme le rapportent Nice Matin et France 3. La gendarmerie et les sapeurs-pompiers interviennent.
«Trois personnes se sont manifestées pour attester de ces piqûres vendredi soir», a déclaré le maire de Vence, Régis Lebigre, interrogé par nos confrères de Nice-Matin. «Des boursouflures ont été constatées en effet, et les analyses de sang sont en cours», ajoute-t-il. Trois plaintes ont alors été déposées pour ces piqûres suspectes, confirme le parquet auprès de l’antenne locale de France 3. Une enquête de gendarmerie a également été ouverte.
L’information est relayée dès le lendemain matin sur les réseaux sociaux, et notamment sur la page Facebook «Vence la jolie». «Mon amie s’est fait piquer probablement place du grand jardin. Elle va déposer plainte», affirme par exemple Christine, sous un post signalant les faits. «Nos rues ne sont plus sûres, c’est pourquoi je vous invite à signaler aux organisateurs ou aux forces de l’ordre, n’importe quelle personne suspecte lors d’évènements, pour la sécurité de tous», écrit également le DJ présent lors de soirée sur le même réseau social.
Témoignages
Au cours d’une autre soirée de la Fête de la musique, qui se tenait cette fois à Nice, France 3 rapporte qu’une personne dit elle aussi avoir été piquée à son insu.
Les festivités interrompues à Cagnes-sur-Mer samedi 22 juin pour les mêmes raisons
Au lendemain de ces premiers signalements, c’est à une dizaine de kilomètres de Vence, à Cagnes-sur-Mer, que d’autres personnes font également état de mystérieuses traces de piqûres sur le corps. Comme le détaille France 3, alors qu’une soirée se tenait dans cette commune des Alpes-Maritimes, une personne se présente au poste de secours, géré par plusieurs volontaires de la protection civile. Cette dernière affirme avoir été piquée à son insu au niveau du bras, alors qu’elle se trouvait au milieu de la foule. La piqûre est désinfectée par les secouristes. Un médecin urgentiste prend également la victime en charge sur place.
Après ce premier signalement, plusieurs autres personnes se présentent dans la foulée au poste de secours pour les mêmes faits, «sur une période concentrée de 10 minutes», détaille Jérémy Crunchant, directeur de la Protection civile des Alpes-Maritimes, contacté par Libération. «La protection civile a, en tout, pris en charge une dizaine de personnes dans la soirée», poursuit-il, «à la fois des hommes et des femmes», tous «très jeunes», détaille-t-il, «en majorité mineures». Les victimes ont toutes été prises en charge par un médecin pour leur suivi sanguin et médical. Et rapidement, alors que les faits s’ébruitent, «un vent de panique» se répand parmi la foule. À titre préventif, la musique est interrompue à 23 h 30 par les organisateurs de la soirée et la police. Après cet épisode, Jérémy Crunchant annonce avoir rehaussé le niveau de vigilance de ses équipes, «comme cela avait été le cas en 2022».
Contacté par France 3, le parquet de Grasse confirme les faits et annonce qu’une enquête a été ouverte pour «administration de substance nuisible avec préméditation». A date du lundi 24 juin, une seule personne a souhaité porter plainte, informe aussi le parquet. Les autres n’ont pas effectué de signalement auprès des forces de l’ordre.
Un scénario similaire de piqûres sauvages à Saint-Maur-des-Fossés…
Toujours dans le cadre de la Fête de la musique, vendredi 21 juin au soir, cette fois à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), cinq adolescentes, âgées de 13 à 17 ans, affirment quant à elles avoir été victimes de piqûres sur la place de la Molène. D’après les informations du Parisien, les jeunes filles précisent avoir ressenti des piqûres au niveau du bras gauche. Prises de nausées, d’étourdissements et de maux de tête, elles se présentent alors immédiatement au poste de secours tenu par la Croix-Rouge, dans «un état fébrile», selon un témoin cité par le journal. Des traces de piqûres sont relevées sur trois d’entre elles, tandis qu’aucun signe n’en atteste sur le corps des deux autres adolescentes.
Les cinq jeunes filles ont ensuite été transportées au commissariat de Saint-Maur-des-Fossés, en charge de l’enquête, avant de rejoindre l’unité de consultation médico-judiciaire de la ville pour effectuer des prélèvements et identifier la substance qui leur aurait été injectée.
Le parquet de Créteil confirme qu’une enquête est en cours, tout en précisant que «le département avait été épargné par ce phénomène extrêmement anxiogène ces derniers mois». «C’est un phénomène extrêmement pénible et difficile à enrayer», regrette aussi Sylvain Berrios, maire (LR) de Saint-Maur, interrogé par le Parisien.
…et aux Sables-d’Olonne
Enfin, lors de la Fête de la musique aux Sables-d’Olonne (Vendée) ce vendredi, plusieurs personnes présentes dans la foule rassemblée sur le Remblai, la longue promenade du front de mer, ont, elles aussi, ressenti des sensations de piqûres, rapporte Ouest-France. «Quatre personnes présentaient des marques de piqûres sur les bras. Deux adolescentes, âgées de 15 et 17 ans, ont été transportées à l’hôpital et les deux autres ont été laissées sur place», indique le Centre opérationnel départemental d’incendie et de secours (Codis) de la Vendée, auprès du journal. Pour l’heure, aucune plainte n’a été déposée.
Des investigations sont en cours et «l’exploitation des caméras de vidéosurveillance de la ville se poursuit», fait savoir le commissariat. Une procédure judiciaire aurait également été ouverte «pour violences volontaires avec armes», rapporte Ouest-France.