On savait les prisons françaises surpeuplées, elles battent des nouveaux records. Au 1er novembre, 75 130 personnes étaient détenues en France, le chiffre de détenus le plus élevé jamais enregistré, dans un système carcéral qui ne compte que 60 975 places opérationnelles, selon les statistiques de l’administration pénitentiaire publiées jeudi par le ministère de la Justice. Ce qui équivaut à une densité carcérale là aussi record de 123,2 % contre 120 % l’an dernier.
Dans le détail, 26,5 % des personnes placées derrière les barreaux sont des prévenus, incarcérés dans l’attente de leur jugement donc présumés innocents. Ces 19 885 détenus sont incarcérés dans les maisons d’arrêt qui ont les taux d’occupation parmi les plus hauts. Et dans ces établissements abritant les prévenus en détention et les personnes condamnées à de courtes peines, le taux d’occupation est de 147,6 %. Il atteint ou dépasse même les 200 % dans dix établissements, par exemple à Rochefort (Charente-Maritime) ou Fontenay-le-Comte (Vendée). 2 668 détenus par ailleurs sont contraints de dormir sur un matelas posé à même le sol, contre 2 225 il y a un an.
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En réponse à la surpopulation carcérale, le gouvernement préfère tabler sur la construction de 15 000 nouvelles places d’ici 2027, éclipsant des alternatives à la prison, adaptées par exemple à la gravité de l’acte. Même si, sur les 90 817 personnes placées sous écrou au total, 15 687 personnes non détenues font l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur.
Cette surpopulation carcérale chronique a d’ailleurs mené l’Etat à une nouvelle condamnation par le tribunal administratif de Strasbourg le 16 novembre. L’instance a reconnu le «préjudice moral» subi par une détenue incarcérée «dans des conditions indignes» du 18 mai au 27 juin 2018 à Mulhouse. Incarcérée pour quarante jours, la détenue avait passé les dix premiers dans une cellule «réservée aux nouvelles arrivantes, d’une superficie de 6,46 m2, qu’elle partageait avec une autre détenue». Les trente jours suivants, elle les avait passés dans une cellule partagée avec quatre autres détenues.
«Moins de 3 m2 d’espace individuel»
La geôle ne faisait que 11,82 m2 laissant à chaque détenue «moins de 3 m2 d’espace individuel, sans compter l’emprise au sol du mobilier (lits superposés, table, chaises, toilettes)». L’instance judiciaire pointe également l’absence de véritable séparation avec les toilettes, «interdisant ainsi toute forme d’intimité et induisant des risques en matière d’hygiène» et relève l’absence de système d’aération. «En réparation», l’Etat est obligé de verser 1 000 euros «en réparation».
«Il s’agit d’une juste application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et d’une situation tristement courante en France depuis de nombreuses années», a réagi l’avocate de la famille de la détenue, Coralie Maignan, avant d’ajouter : «Ce qui me dérange plus particulièrement, c’est de constater que malgré ces condamnations en cascade, nous ne constatons au quotidien aucune amélioration dans les prisons françaises.»
Conditions de vie indignes, espaces de vie réduits, impossibilités de construire des parcours de réinsertion… Les députées Caroline Abadie (Renaissance) et Elsa Faucillon (Nupes), qui ont présenté en juillet un rapport «sur les alternatives à la détention», rappelaient en septembre dans Libération que la surpopulation carcérale que «la prison ne peut plus remplir la mission que la société lui fixe».