A la sortie de l’audience, quelques secondes d’applaudissements discrets. Une petite dizaine de militants Greenpeace se tiennent en cercle autour de leurs avocats, Marie Dosé et Alexandre Faro. Ensemble, ils viennent d’obtenir l’annulation du renvoi devant la justice de neuf activistes de l’ONG pour avoir, en mars, partiellement repeint en vert un avion Air France sur le tarmac de l’aéroport de Roissy.
Saisi par une requête en nullité de la défense, le tribunal correctionnel de Bobigny a invalidé leurs procès-verbaux de convocation devant la justice, estimant ne pas être «valablement saisi». En cause : après la levée de leur garde à vue, les prévenus ont été retenus au dépôt de Bobigny – le lieu où les détenus patientent avant un procès ou une convocation devant le juge, réputé pour sa vétusté – où ils ont passé la nuit, sans que cela soit justifié par le procureur et sans être présenté à un magistrat du siège.
«Criminalisation des militants»
Un traitement «inadmissible», selon Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France, qui illustre «la tendance à la criminalisation croissante des activistes climats». «Le jugement rendu ce jour prend acte que cette criminalisation de militants et militantes non violents, de surcroît illégale, n’est pas acceptable», ajoute-t-il. Cette victoire sur la procédure constitue «aussi une victoire sur le fond», souligne Marie Dosé : «C’est une chose de criminaliser des actions qui relèvent de la liberté d’expression et d’opinion de militants, c’en est une autre de violer leurs droits.»
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Devant le tribunal, une cinquantaine de militants se sont rassemblés pour soutenir les prévenus et rappeler le sens de leur geste. «En pleine COP26, il est essentiel de ne pas oublier pourquoi nous étions passés à l’action à Roissy en mars, insiste Sarah Fayolle, chargée de campagne transport. Pendant qu’Emmanuel Macron s’autocongratule à Glasgow, en France, la réalité, c’est que le gouvernement fait preuve d’une grande irresponsabilité climatique.» Et de dénoncer les stratégies du gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
«Ce n’est pas avec des avions verts [un futur avion plus écologique, neutre en carbone grâce aux innovations technologiques, ndlr] que l’on va résoudre les conséquences de l’impact climatique du secteur aéronautique», martèle Etienne, un ingénieur de 48 ans qui fait partie des prévenus. Face à «l’urgence climatique», ils veulent «continuer d’agir», peu importe les risques judiciaires. «Quand on est activistes, on assume ce qu’on fait», affirme Eva, 36 ans, qui devait aussi être jugée ce jeudi. «Mais aujourd’hui, le tribunal a reconnu qu’on avait violé nos droits. On peut se demander pourquoi ? Est-ce qu’on essaie de nous bâillonner ? On n’a donc plus le droit de parler des problèmes climatiques ?»