Près de cinq ans après la mystérieuse disparition de Delphine Jubillar, le procès de son mari Cédric, accusé de meurtre, s’est ouvert 22 septembre devant les assises du Tarn, à Albi. Quatre semaines d’audience pour se plonger dans l’intimité d’un couple en déliquescence, entre coups de théâtre qui n’en sont pas et défilé de témoins hétéroclites, sous le regard d’un accusé impassible. Et une incertitude, en l’absence de corps et de preuve irréfragable : que décideront les jurés au moment de rendre leur verdict, ce vendredi 17 octobre ? Libération se replonge dans dix moments forts d’un procès couvert au quotidien par nos deux envoyées spéciales.
Le 22 septembre, «l’enfance cabossée» d’un accusé qui nie les faits
«La disparition de ma femme, c’est la première chose qui me touche»
Au premier jour d’audience, la cour d’assises du Tarn s’est penchée sur le parcours et la personnalité du peintre plaquiste de 38 ans. Une nuée d’objectifs se précipite pour mitrailler, avec son accord, celui qui s’est autobaptisé «l’homme le plus connu du Tarn». Un sourire en demi-lune sur son visage, Cédric Jubillar savoure presque cette cohue. «C’est vrai que j’aime bien prendre de la place, être imposant, me montrer, c’est une certitude», convient l’accusé, qui se décrit comme «quelqu’un de simple et parfois d’extravagant» et aime bien «donner [son] avis sur tout».
Le 23 septembre, Delphine Jubillar racontée par ses proches
«Dès que Cédric arrivait, Delphine s’éteignait. C’était un “on-off”»
En ce deuxième jour d’audience, les cœurs se serrent dans le prétoire. Dans le box vitré, une ombre traverse le visage de l’accusé, jusqu’ici resté impassible. «Louis est convaincu du décès de sa mère. Il est convaincu que son père est responsable, il veut que son père dise où est sa maman», rapporte à la barre, l’administratrice ad hoc des enfants du couple Jubillar, chargée de représenter leurs intérêts.
Le 25 septembre, ce que les téléphones racontent dans l’affaire Jubillar
«Au moment où il recherche avec angoisse Delphine, il se connecte sur Leboncoin»
La quatrième journée du procès a décortiqué les incongruités de l’activité téléphonique de Cédric Jubillar au moment de la disparition de sa femme. L’accusé, qui raconte avoir constaté l’absence de Delphine à son réveil peu avant 4 heures du matin, tente d’abord de l’appeler à quatre reprises. Une vingtaine de minutes seulement après avoir émergé, il prévient la gendarmerie. S’ensuit un comportement toujours plus surprenant. En attendant les pandores, l’époux flâne sur son portable. «Donc au moment où il recherche avec angoisse Delphine, il se connecte sur Leboncoin ?» s’étonne Laurent De Caunes, avocat d’un des frères de la victime.
Le 30 septembre, les larmes de crocodile, l’enregistrement secret et les accès de violence
«Il avait souvent des mots très crus à propos de Delphine»
En présence de son mari, l’infirmière, d’ordinaire pétillante, devenait «taiseuse», rapportent ses proches le 30 septembre. Etait-elle victime de violence ? «Pas physique», souligne sa sœur Stéphanie. «Lors des repas de famille, il avait souvent des mots très crus à propos de Delphine. Il la rabaissait clairement», précise son frère Sébastien, fines lunettes sur le nez. Mélanie C., une cousine, est gênée par le terme mais finit par le lâcher : «Il lui parlait mal, comme à une merde.»
Le 1er octobre, l’incontournable témoignage d’Anne S., amie et confidente du couple
«Je pouvais vraiment percevoir chez Delphine que ça devenait très, très lourd»
Après plus de trois heures passées à la barre, Anne S. ne se démonte pas. Lorsque les avocats de la défense lui parlent, la quadragénaire leur tourne le dos, ne leur offrant à admirer que l’arrière de sa permanente blonde. Excédée par l’insistance de leurs questions, cette mère au foyer les envoie paître : «Allez demander à Delphine si vous savez où elle est.» Un silence pétrifié saisit la salle.
Le 6 octobre, le vrai-faux coup de théâtre autour du téléphone de l’amant
«Un tableau de 551 lignes téléphoniques et, dans celles-ci, il y a la ligne téléphonique de l’amant»
Les avocats de Cédric Jubillar ont créé la surprise le 6 octobre en affirmant que le portable de l’amant avait activé une cellule couvrant le domicile de Delphine, le soir de sa disparition en 2020. Un coup de théâtre qui n’en était pas un, le gendarme chargé des investigations sur la téléphonie confessant le lendemain une erreur de «copier-coller».
Le 8 octobre, les larmes et le témoignage accablant de la mère de Cédric Jubillar
«Aujourd’hui, je regrette de ne pas avoir donné plus de sens à cette phrase»
Elle prend place chaque jour, depuis trois semaines, sur le banc des parties civiles. On la repère aisément par cette pointe d’extravagance qui fait son style, le bleu électrique de son tailleur et son carré plongeant blond. Il est rare de voir la mère d’un accusé de ce côté-ci du prétoire. Elle est partie civile, dira-t-elle, «en tant que mamie de Louis et Elyah», les enfants du couple Jubillar.
Le 9 octobre, le défilé des ex-petites amies et du fan de «Game of Thrones»
«Je me suis dit pourquoi pas essayer de me mettre en relation pour en savoir un peu plus»
Les assises du Tarn ont vécu une étrange douzième journée d’audience, plongées dans les récits de protagonistes qui, tous, ont gravité de près ou de loin autour de Cédric Jubillar. Une galaxie de témoins déconcertants – dont deux ex-compagnes –, qui se sont parfois égarés dans des considérations baroques, voire complotistes, mais qui résument bien la folle attraction suscitée par cette affaire criminelle.
Les 10 et 13 octobre, l’interrogatoire de Cédric Jubillar
«J’ai pas tué Delphine»
Lors de son interrogatoire au fond, mené sur deux jours, Cédric Jubillar a martelé son innocence : «Je n’ai pas tué Delphine, c’est une certitude. C’est la mère de mes enfants, je l’aimerai toujours.» Debout dans son box de verre le 10 octobre, le Tarnais est fidèle à lui-même depuis désormais trois semaines, à la fois à l’aise et déconcertant, tranquille et agité. Fidèle à sa position, l’accusé n’a pas plus flanché le 13 octobre.
Lire en intégralité les récits des journées du 10 octobre et du 13 octobre
Le 15 octobre, la douloureuse parole des enfants du couple
«Je pense que papa a fait du mal à maman»
A défaut d’avoir pu assister aux débats, Louis, le fils de Delphine et Cédric Jubillar, a écrit une lettre lue par la cour dans laquelle il raconte les maltraitances subies, les claques, les gifles, les coups encaissés. Et pour qu’encore sa parole, ainsi que celle de sa sœur Elyah, 6 ans, résonne mercredi 15 octobre, son avocate Malika Chmani a décidé de faire de leurs mots sa plaidoirie. Et de raconter la vie du frère et de la sœur depuis que «maman» a disparu.