Depuis sa cage de verre, à la cour d’assises du Tarn, Cédric Jubillar s’est exprimé pour la dernière fois ce vendredi 17 octobre : «Je n’ai absolument rien fait à Delphine», a-t-il réaffirmé, d’un ton monocorde. Dans une atmosphère lourde, la salle d’audience s’est vidée. Durant les prochaines heures, six jurés et trois magistrats vont délibérer du sort du Tarnais, accusé du meurtre de sa femme, Delphine Jubillar. Et alors que les discussions ont commencé après quatre semaines d’un procès hors norme, le suspense plane : l’accusé peut-il être acquitté ?
Pour trancher, magistrats et jurés devront répondre à deux questions. «L’accusé Cédric Jubillar est-il coupable d’avoir à Cagnac-les-Mines dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 volontairement donné la mort à Delphine Aussaguel épouse Jubillar ?» et «Cédric Jubillar était-il à la date des faits le conjoint de Delphine Aussaguel épouse Jubillar ?» Le trentenaire étant poursuivi pour «meurtre sur conjoint». Pour que le peintre plaquiste soit condamné, sept voix sur neuf doivent le déclarer coupable. Si trois votent «non» ou votent blanc, il sera acquitté.
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La règle est simple, mathématique. Mais la tâche, lourde en responsabilité, est plus qu’ardue. Dans l’affaire Jubillar, trois années d’enquête et quatre semaines de procès n’ont pas suffi à éclaircir le mystère de la disparition de l’infirmière. Pas de corps, pas de scène de crime… Seul un «faisceau d’indices» – comme l’a annoncé mercredi l’avocat général, Nicolas Ruff – pointe dans la direction du mari. Comme cette paire de lunettes brisée de son épouse, ces cris entendus par des voisins ou ce véhicule qui aurait changé de sens de stationnement entre le soir et le matin.
Intime conviction
Mercredi, les avocats généraux ont requis trente ans de réclusion criminelle à l’encontre de l’accusé. Mais à la veille du verdict, à l’issue d’une plaidoirie, la défense a de nouveau semé le doute. Battant en brèche chaque élément, remettant en question chaque détail, Emmanuelle Franck, l’avocate du trentenaire, a achevé sa plaidoirie puissante en s’adressant directement aux jurés : «C’est seulement dans le recueillement et le silence que vous pourrez mettre fin à ce cauchemar.»
Sans preuve irréfutable, comment peuvent-ils trancher ? A leur disposition, une seule béquille sur laquelle prendre appui : leur intime conviction. Avant qu’ils ne se retirent, la présidente de la cour Hélène Ratinaud a lu aux jurés l’article 353 du code de procédure pénale : pour prendre une décision, ces quatre hommes et deux femmes – tirés au sort à partir des listes électorales – vont devoir «s’interroger eux-mêmes» et «chercher, dans la sincérité de leur conscience, quelles impressions ont fait, sur leur raison, les preuves rapportées contre l’accusé et les moyens de sa défense». Le texte continue : «La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : “Avez-vous une intime conviction ?”»
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De la salle de délibération dans laquelle ils sont entrés aux alentours de 9 h 30, jurés et magistrats ne pourront sortir qu’après avoir pris la décision. Les votes – «oui» ou «non» – sont anonymes et les bulletins brûlés immédiatement après le dépouillement de chaque scrutin. Si sept voix estiment Cédric Jubillar coupable, un nouveau vote se déroulera ensuite pour décider de la peine principale ainsi que des peines complémentaires. Sur des bulletins vierges, chacun devra inscrire la sanction qu’il estime la plus adéquate. Il faut là encore sept voix pour qu’une peine de perpétuité soit prononcée.