Le procureur de la République de Draguignan n’a pas voulu remettre une pièce dans la machine à polémique autour de l’exécution provisoire. Pierre Couttenier a requis, ce mardi 30 septembre, une amende ferme de 10 000 euros à l’encontre de David Rachline, deuxième vice-président du Rassemblement national et maire de Fréjus (Var). Si la peine complémentaire d’inéligibilité est automatique en cas de condamnation, le magistrat a requis qu’elle soit limitée à un an, voire même assortie du sursis, et sans exécution provisoire.
L’affaire concerne les conditions de la nomination du maire de Fréjus à la tête de deux sociétés d’économie mixte, Fréjus Aménagement et Gestion du port de Fréjus, des postes qui lui ont permis de toucher une rémunération supplémentaire d’environ 1 000 euros par mois en moyenne. David Rachline est soupçonné d’avoir influé sur les délibérations du conseil municipal où ses nominations ont été validées, entre 2017 et 2020, en restant présent lors des votes qui ont eu le plus souvent à main levée.
«Je n’ai jamais voulu faire de pression particulière», a rétorqué à l’audience le numéro 3 du RN, expliquant qu’il faisait alors confiance au directeur des services de la mairie pour lui signaler les délibérations où il devait quitter la salle. Et de toute manière, «tout est public, il n’y a rien de caché», a-t-il ajouté assurant avoir toujours agi «uniquement dans l’intérêt de Fréjus».
«Probité»
«La forme est fondamentale», a insisté le procureur Pierre Couttenier, dans un réquisitoire adressé directement à l’élu d’extrême droite. «Je ne vous mets pas en cause pour un enrichissement personnel au titre de cette affaire-là. Mais la déontologie, ça ne se délègue pas». En requérant 30 000 euros d’amende, dont 20 000 avec sursis, et l’affichage de la condamnation en mairie, le procureur a cependant reconnu la forme «assez bordélique» de la procédure judiciaire ayant conduit au procès, et pour laquelle la défense a déposé une requête en nullité.
En effet, une information judiciaire ouverte en 2021 sur la rémunération supplémentaire de David Rachline et sur les conditions de ses nominations, à la suite d’un rapport de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), a été classée sans suites en juin 2023. Mais à l’automne 2023, Pierre Couttenier, tout juste arrivé à la tête du parquet de Draguignan, a rouvert une enquête judiciaire, estimant que la première enquête n’avait porté que sur la rémunération.
Si les élus locaux peuvent être des alliés dans la lutte contre les trafics ou les violences, «il y a sur ce territoire une nécessité également de lutter contre toute atteinte à la probité», a estimé le procureur. Il y a également été incité par le livre «Les Rapaces», de la journaliste Camille Vigogne Le Coat, paru fin 2023, attaque virulente de divers aspects de l’action de David Rachline : ses différents postes, des accusations de marchés truqués ou d’arrangements avec un puissant entrepreneur local de BTP.
Au comptoir de «Chez Pol»
De «pures inventions», a répété l’élu du Rassemblement national, qui poursuit la journaliste en justice mais qui fait aussi l’objet d’une enquête pour corruption. Dans cette affaire, des perquisitions ont été menées en mars à la mairie et chez des entrepreneurs.
La décision sera rendue le 27 janvier, deux mois avant les municipales de mars où le maire sortant devrait tenter de conquérir un troisième mandat.
David Rachline, aujourd’hui âgé de 37 ans, a gravi à grande vitesse les échelons du Rassemblement national. Conseiller municipal de Fréjus à 20 ans, maire et sénateur à 26 ans, il a dirigé le Front national de la jeunesse et la campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2017. En 2022, il a été propulsé deuxième vice-président du RN. Il avait auparavant érigé Fréjus, cité balnéaire de 57 000 habitants, en vitrine du projet lepéniste, y organisant souvent ses rentrées politiques.