L’un doit s’appuyer sur une béquille. L’autre a les cheveux blanchis et les joues creusées par l’âge. Il suffit de regarder s’avancer à la barre ces rescapés à la démarche hésitante, ces orphelins devenus parents, pour mesurer le temps passé depuis le drame qui les réunit, salle Victor-Hugo, dans l’ancien palais de justice de l’île de la Cité : l’explosion d’une moto piégée devant la synagogue de la rue Copernic, dans le XVIe arrondissement de Paris, le 3 octobre 1980. Près de quarante-trois ans après le premier attentat ciblant des juifs en France depuis la Seconde Guerre mondiale, la cour d’assises spécialement composée de Paris entendait jeudi quelques unes des parties civiles – seules 24 étaient constituées à l’ouverture du procès. «Nous savions que cette bombe était posée pour nous tuer à la sortie de l’office», dira Corinne Adler, qui faisait partie du groupe de cinq adolescents qui célébraient leur Bar-mitsva ce jour-là et dont les grands-parents et les parents avaient fui l’Allemagne nazie : «C’était une entrée dans la vie adulte un petit peu brutale, qui m’a fait prendre conscience que l’histoire se répète.»
Le philosophe Oron Shagrir est venu de Jérusalem raviver la mémoire de sa mère, Aliza, 42 ans, dont le prénom signifie «celle qui est ple