Et maintenant ? Si l’avocate de Dominique Pelicot, Me Béatrice Zavarro, a annoncé ce lundi 30 décembre sur France Info que son client ne ferait pas appel, à l’instar d’une quinzaine d’autres condamnés, 17 personnes reconnues coupables à l’issue du procès des viols de Mazan ont annoncé continuer le combat judiciaire. D’autres pourraient encore le faire jusqu’à minuit, limite des dix jours prévus pour effectuer la démarche. Le parquet général en dispose de cinq supplémentaires pour déposer des appels incidents – au cas par cas – ou un appel général pour les 51 accusés, s’il considère par exemple que les peines prononcées ne sont pas suffisantes.
Profils
Ces appels ouvrent donc la voie à un nouveau procès. Comme le précise la loi, il devra se tenir dans un délai de six mois maximum, renouvelable une fois. Le procès devrait théoriquement se dérouler à Nîmes, dans le même ressort judiciaire qu’Avignon, où a été jugée la première instance. Le procès en appel «devrait se tenir» dans le courant des quatre derniers mois de 2025, a annoncé lundi le procureur général de la Cour d’appel de Nîmes. «Le ministère public a interjeté appel incident des 17 appels intervenus», précise la même source. Les accusés risquent donc de voir leur peine aggravée, alors que sans cet appel incident, leur peine ne pouvait être que minorée, confirmée ou annulée. Surtout, le procès en appel se passera devant un jury populaire.
C’est ici que réside la principale différence entre le procès en première instance et celui qui va suivre dans les prochains mois. Les 51 hommes poursuivis ont été condamnés par une cour criminelle, une juridiction départementale pensée au début du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, promue par la garde des Sceaux d’alors, Nicole Belloubet, et généralisée à partir du 1er janvier 2023. L’idée de cette cour est de juger des crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle (soit majoritairement les viols ou les vols avec armes) uniquement par des magistrats professionnels. Exit les jurés. Le tout pour lutter contre «l’engorgement des cours d’assises», expliquait alors Nicole Belloubet.
Néanmoins, en cas d’appel, le régime redevient celui de la cour d’assises : trois magistrats professionnels (formant la «cour») et un jury formé de neuf jurés-citoyens. L’accusé peut «récuser», c’est-à-dire refuser, jusqu’à cinq personnes sur la liste des jurés qui ont été tirés au sort. Le ministère public peut en refuser jusqu’à 4. Chaque juré refusé est remplacé par un autre, également tiré au sort.
Dominique Pelicot mis en examen dans un «cold case»
Si une partie civile, représentée par un avocat, n’a aucune obligation d’être présente à l’audience, il y a de fortes chances que Gisèle Pelicot suive la route qu’elle trace depuis de longs mois. Devenue une icône féministe, notamment pour avoir refusé que ce procès hors norme se tienne à huis clos, afin que la «honte change de camp» et ne pèse plus sur les épaules des victimes de viols, Gisèle Pelicot, n’a «pas peur» d’un nouveau procès, avait déclaré le 20 décembre l’un de ses avocats, Me Stéphane Babonneau, sur France Inter. Huit jours plus tard, il insistait sur RTL : «Ma cliente, jusqu’à maintenant, a toujours respecté les prérogatives de chacun. Donc elle ne critiquera pas le fait d’exercer un appel.» Avant de préciser tout de même que la septuagénaire «aurait préféré que cette affaire puisse se clore avec ce procès».
A la barre
C’est peut-être l’élément majeur, bien que tout à fait logique, qui rendra ce nouveau procès moins marquant que le premier. Dominique Pelicot, le «chef d’orchestre» d’une décennie de viols sur sa femme, condamné à vingt ans de réclusion, ayant décidé de ne pas faire appel, il ne sera présent qu’en qualité de témoin. Sauf bien sûr si le parquet décide d’un appel général. «Dominique Pelicot a pris la décision de ne pas frapper d’appel le verdict rendu par la cour criminelle de Vaucluse» le 19 décembre, a expliqué son avocate, Me Béatrice Zavarro, sur France Info. Cela «contraindrait Gisèle à une nouvelle épreuve, à de nouveaux affrontements, ce que Dominique Pelicot refuse», a-t-elle ajouté, précisant que pour son client, âgé de 72 ans, «Mme Pelicot n’est pas et n’a jamais été son adversaire».
En ne faisant pas appel, Dominique Pelicot estime qu’«il est temps d’en finir judiciairement» avec ce chapitre, selon son avocate. Il n’en a pourtant pas fini avec la justice. Mis en examen par un magistrat du pôle «cold cases» de Nanterre, il pourrait être jugé pour une tentative de viol en 1999 en Seine-et-Marne, mais surtout un viol suivi de meurtre en 1991 à Paris, celui d’une jeune agente immobilière de 23 ans.
Mise à jour à 17 h 55, le procès en appel «devrait se tenir» dans le courant des quatre derniers mois de 2025, a annoncé lundi le Procureur général de la Cour d’appel de Nîmes.