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Justice

Procès du «groupe AZF» qui menaçait de faire sauter des trains : les prévenus condamnés à quatre et deux ans de prison ferme

Accusés d’avoir engagé fin 2003 un vaste chantage contre les pouvoirs publics, Michel D. et Perrine R. ont été notamment condamnés pour «association de malfaiteurs» ce vendredi 16 février au tribunal correctionnel de Paris. Ils effectueront leur peine sous bracelet électronique.
Inspection des rails en présence de Louis Gallois, alors président de la SNCF, le 3 mars 2004. Un engin explosif revendiqué par AZF avait été retrouvé le 21 février. (JACK GUEZ/AFP)
publié le 16 février 2024 à 14h05

Vingt ans après, l’affaire «AZF» est enfin derrière eux. Au quatrième jour de leur procès devant le tribunal correctionnel de Paris, ce vendredi 16 février, Michel D. et Perrine R. ont été condamnés respectivement à cinq ans de prison dont quatre ferme et trois dont deux ferme. Ils étaient poursuivis notamment pour «association de malfaiteurs». L’histoire remonte à la fin de l’année 2003 ; elle est rocambolesque et avait provoqué une onde de panique dans la société à l’époque des faits : un chantage aux pouvoirs publics par l’intermédiaire d’un mystérieux «groupe AZF» à «caractère terroriste», des courriers menaçant de faire sauter des trains en l’absence du versement d’une rançon de plusieurs millions d’euros visant à financer un projet «humaniste», deux véritables bombes posées sous le réseau ferré (sans jamais exploser).

«Une montagne qui accouche d’une souris»

Ni Michel D. ni Perrine R. ne sera cependant envoyé derrière les barreaux, le tribunal ayant pris en compte leur âge et l’ancienneté des faits. Leur peine sera effectuée à domicile, sous bracelet électronique. Le premier, maître à penser du projet «AZF», a déjà passé près de près de neuf mois en prison entre juin 2018 et mars 2019 dans le cadre de cette procédure, avant d’être assigné à résidence sous bracelet électronique pendant deux ans. Quant à sa complice, sous contrôle judiciaire depuis son interpellation en juin 2018, elle n’a jamais été mise sous écrou. Les deux prévenus avaient été identifiés en 2017 sur la base d’une dénonciation, révélant un profil pour le moins étonnant : un chef d’entreprise «inventeur par nature» à la retraite (il a aujourd’hui 76 ans) qui rêvait de développer le «moteur à eau» et les «énergies libres», et une ancienne employée de quinze ans plus jeune que lui, à qui il avait demandé de l’aide.

Le tribunal a également condamné les prévenus à payer 5,8 millions d’euros à la SNCF, partie civile au procès, au titre du préjudice matériel subi par l’entreprise ferroviaire - une peine dont la défense a annoncé son intention de faire appel. «Michel D. se réjouit que ce soit enfin l’épilogue d’une vieille affaire et que le tribunal ait compris qu’il ne présente pas de dangerosité pour la société», confie à Libération Lucile Collot, l’avocate de l’intéressé. Cette affaire, c’est «une montagne qui accouche d’une souris», avait-elle relativisé la veille, lors de sa plaidoirie. Et d’insister : «On recherche en 2004 un groupe terroriste d’un genre nouveau. Et, quinze ans plus tard, c’est le professeur Tournesol qu’on arrête !»

De fait, les poursuites pour terrorisme initialement engagées ont rapidement été abandonnées après l’identification des suspects et la découverte de leurs motivations. «A aucun moment Michel D. n’a eu la volonté de porter atteinte à la vie de qui que ce soit», a souligné le conseil. Au cours du procès, son client a répété que «les bombes n’étaient pas conçues pour exploser» - les coordonnées de la première avaient été transmises aux autorités et la deuxième n’était «pas amorcée».

«Il est évident que je ne recommencerai jamais»

A son tour, Jean-François Morant a rappelé le parcours de vie chaotique de sa cliente, Perrine R., élevée à la Ddass, obligée de travailler dès son plus jeune âge pour subvenir à ses besoins, plombée par des addictions diverses et souffrant selon une expertise psychologique d’une «altération de son discernement» au moment des faits. Il a décrit son attitude «altruiste», à «l’opposé de l’esprit de lucre et de vénalité» et ajouté qu’elle n’avait accepté de participer au projet qu’à la condition qu’il n’y ait de danger pour personne. A celle qui avait reconnu un «rôle mineur mais néanmoins grave» au sein du «groupe AZF», il a déclaré : «Vous êtes d’une humanité bouleversante

Le jugement est conforme aux réquisitions du procureur de la République. «Personne ne peut sérieusement affirmer qu’il n’y avait aucun risque», avait martelé le magistrat, jeudi, dénonçant un projet visant à «troubler l’ordre public par une forme de terreur» et rappelant que Michel D. avait admis lui-même, lors de son interrogatoire, la persistance d’un «risque résiduel». «Je suis vraiment désolé d’avoir provoqué tout ce tourment. Il est évident que je ne recommencerai jamais ce genre d’âneries», a murmuré le vieil homme lors de son ultime déclaration à la barre, jeudi après-midi. Le temps est sans doute venu pour lui, désormais, de retrouver le paisible anonymat auquel l’ont arraché son extravagance et sa démesure.