La vidéo projetée dans la salle d’audience du tribunal judiciaire de Paris laisse peu de place au doute. Malgré l’image tremblante, on distingue nettement deux hommes en train de se partager à la hâte des billets dans un vestiaire. «C’est bien moi», admet à la barre Abdelkader B., 47 ans, en poste pendant sept ans à la déchetterie de la porte de La Chapelle (XVIIIe), le plus grand des huit centres de tri de la capitale. Comme ses deux anciens collègues assis derrière lui, il est accusé d’avoir laissé des professionnels du BTP décharger indûment leurs gravats contre quelques billets qui, mis bout à bout, ont fini par générer d’importants revenus. A lui seul, Abdelkader B. aurait ainsi touché plus de 155 000 euros pendant six ans.
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Selon le rapport d’enquête lu par la présidente, les prévenus avaient pris l’habitude de rançonner les clients grâce à un code mis en place à l’entrée de la déchetterie en fonction des volumes, évalués à vue de nez par l’agent d’accueil posté à l’entrée. Un doigt levé signifiait dix euros, deux doigts vingt euros, la main entière cinquante. Les sommes collectées étaient ensuite redistribuées dans le vestiaire vers 16 heures entre les membres de l’équipe, qui ont donné un nom à cette pratique clandestine : «faire un Bercy». Jusqu’à ce que l’un d’entre eux finisse par dénoncer le système sous la pression d’un nouveau chef, et filme ses collègues à leur insu. Ce lanceur d’alerte, qualifié de «vil délateur» par un des avocats de la dé