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Financement libyen

Procès Sarkozy-Kadhafi : sept ans de prison et 300 000 euros d’amende requis contre l’ancien président

Procès Sarkozy : l'ancien président face à la justicedossier
Le parquet a requis une peine de sept ans de prison à l’encontre de Nicolas Sarkozy, accusé d’avoir conclu un «pacte de corruption» avec l’ancien dictateur libyen Muammar al-Kadhafi pour financer sa campagne de 2007.
Nicolas Sarkozy au tribunal correctionnel de Paris, le 6 janvier 2025. (Denis Allard/Libération)
publié le 27 mars 2025 à 16h51

La sévérité des peines demandées ne faisait que peu de doute tant les procureurs du Parquet national financier (PNF) Quentin Dandoy, Sébastien de La Touanne et Philippe Jaeglé avaient été catégoriques. Après trois jours de réquisitions, le parquet a demandé sept ans de prison et 300 000 euros d’amende contre Nicolas Sarkozy dans le procès du financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, pour lequel le ministère public a demandé qu’il soit reconnu coupable de «corruption», «recel et détournements de fonds publics», «financement illégal de campagne» et «association de malfaiteurs». Le parquet demande aussi cinq ans d’inéligibilité. Des réquisitions que l’ancien président de la République a accueillies le visage pétrifié. Ce dernier dénonce ce soir sur X «l’outrance de la peine réclamée».

«Nicolas Sarkozy est le véritable décisionnaire et commanditaire» d’un pacte de corruption, «inconcevable, inouï, indécent», construit avec l’aide de ses deux fidèles Claude Guéant et Brice Hortefeux, avait estimé mercredi 26 mars le procureur. «Derrière l’image de l’homme public, du ministre d’Etat, du président de la République, se dessine au gré des enquêtes judiciaires la silhouette d’un homme porté par une ambition personnelle dévorante, prêt à sacrifier sur l’autel du pouvoir les valeurs essentielles telles que la probité, l’honnêteté et la droiture», avait-il enfoncé. Contre ses fidèles Claude Guéant et Brice Hortefeux, jugés à ses côtés avec 9 autres prévenus, le parquet a requis respectivement six ans de prison et 100 000 euros d’amende, ainsi que la confiscation de l’appartement de l’ancien secrétaire général de l’Elysée, et trois ans de prison et 150 000 euros d’amende. Quant à Eric Woerth, il est visé par des réquisitions de un an de prison et 3 750 euros d’amende.

Ce réquisitoire amorce l’aboutissement d’un procès monstre de douze semaines, pour une affaire tentaculaire. Accusé d’avoir conclu «un pacte de corruption» avec le dictateur libyen Muammar al-Kadhafi pour financer sa campagne présidentielle victorieuse de 2007, Nicolas Sarkozy avait été mis en examen pour «corruption passive», «recel de détournement de fonds publics», «financement illégal de campagne électorale» et «association de malfaiteurs».

L’affaire avait démarré notamment après des révélations de Mediapart concernant un éventuel financement du régime du colonel Kadhafi d’un montant de 50 millions d’euros. Difficilement traçables, ces sommes, dont une grande partie soupçonnée d’être en liquide, n’ont jamais été retrouvées au cours de la longue enquête, mais selon le PNF, la seule conclusion d’un «pacte de corruption», sans que le parcours des fonds soit retracé, permet d’entrer en voie de condamnation.

De l’argent libyen aurait en tout cas transité par plusieurs canaux, par virements bancaires comme en cash, dont le l’homme d’affaires-marchand d’arme franco-libanais Ziad Takieddine, déjà mis en cause dans l’affaire Karachi, et Alexandre Djouhri, un sulfureux intermédiaire, dont la spécialité semble d’avoir utilisé les comptes bancaires de milliardaires saoudiens pour masquer des opérations bancaires et blanchir ainsi plusieurs millions d’euros.

Ce procès ne se limite pas au financement occulte de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. La potentielle vente fictive de tableaux flamands par Claude Guéant, grâce à laquelle des fonds libyens lui auraient permis d’acquérir un appartement dans le XVIe arrondissement de Paris, a été également jugée.

L’ensemble de cette saga libyenne a également donné lieu à un rocambolesque épisode qui se retrouve, lui aussi, objet d’une enquête judiciaire : la volte-face de l’intermédiaire Ziad Takieddine, principal suspect dans cette affaire, orchestré par la communicante «Mimi» Marchand, amie intime de Nicolas Sarkozy.

Le 14 février 2024, l’ancien président, qui a promis aujourd’hui dans un entretien au Parisien qu’il «démontrerai [t] [son] innocence», a déjà été condamné en appel à un an de prison dont six mois avec sursis pour financement illégal de campagne dans l’affaire Bygmalion. Nicolas Sarkozy était accusé d’avoir profité d’un vaste système de fausses factures, impliquant des responsables de l’agence de communication Bygmalion qui organisait alors les meetings, pour financer sa campagne présidentielle de 2012. En décembre dernier il avait été condamné définitivement dans l’affaire de corruption dite « l’affaire des écoutes », à trois ans de prison dont un ferme. Il porte depuis un bracelet électronique et vient de saisir la Commission européenne des Droits de l’Homme.