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Prisons

Quatre nouveaux quartiers de haute sécurité annoncés par le ministère de la Justice

Les «QLCO» doivent ouvrir «dans les prochains mois», et seront basés sur les modèles des prisons de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe, où sont incarcérés les narcotrafiquants considérés comme les plus dangereux par les autorités.

Le centre pénitentiaire de Réau, en Seine-et-Marne, ici en 2011. Il doit accueillir un quartier de lutte contre la criminalité organisée les mois qui viennent. (Laurent Troude/Libération)
Publié le 13/10/2025 à 10h29

A peine re-reconduit à la tête du ministère de la Justice dans le gouvernement Lecornu II, Gérald Darmanin se rend ce lundi 13 octobre après-midi au centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne). Un déplacement au lendemain de l’annonce par ses services de l’ouverture «dans les prochains mois» de nouveaux quartiers de lutte contre la criminalité organisée (QLCO), sur la base de ceux de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et Condé-sur-Sarthe (Orne).

Ces nouveaux QLCO trouveront leur place dans les prisons de Valence (Drôme), Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) et Réau (Seine-et-Marne), a annoncé dimanche la chancellerie à M6-RTL. Un quatrième est attendu en Guyane «d’ici fin 2026-début 2027», dans le centre pénitentiaire de Saint-Laurent-du-Maroni qui doit sortir de terre.

«Il y a à peu près 700 personnes qui sont considérées par le service pénitentiaire comme étant très dangereuses, a détaillé dans l’émission Zone interdite diffusée sur M6 dimanche soir Gérald Darmanin. Nous pourrons dans quelques mois avoir 500 de ces 700 criminels» détenus dans ces quartiers de haute sécurité.

Détention inspirée de la lutte antimafia

Près de 90 détenus ont rejoint entre fin juillet et début août le quartier de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) de la prison de Vendin-le-Vieil. C’est notamment le cas de Mohamed Amra, dont l’évasion sanglante en mai 2024 dans l’Eure avait coûté la vie à deux agents pénitentiaires. Et le quartier de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe doit accueillir ses premiers détenus «dans quelques semaines», avait indiqué début octobre le ministère de la Justice.

Au total, les deux structures devraient recevoir quelque 200 détenus. Leur objectif est de les placer totalement à l’isolement, selon un régime de détention très strict inspiré de la lutte antimafia en Italie. Ce régime carcéral, créé par la loi visant à lutter contre le narcotrafic adoptée en avril, a été validé par le Conseil constitutionnel en juin.

Au printemps, la proposition du ministre de la Justice de créer ce type de quartier au sein du futur centre pénitentiaire Saint-Laurent-du-Maroni – deuxième ville de Guyane et ex-colonie pénitentiaire – avait provoqué l’ire d’élus locaux, y voyant un «retour du bagne». Devenue une plaque tournante du trafic de drogue en Guyane, Saint-Laurent-du-Maroni fut en effet l’ancien port d’entrée du bagne où débarquaient les forçats venus de métropole, de 1850 à 1938.

Des placements en QLCO contestés

Si Gérald Darmanin estime qu’il est «un petit peu tôt» pour tirer un premier bilan de ces transferts, il l’assure : «Beaucoup de ces détenus sont extrêmement inquiets de ce régime pénitentiaire qui les coupe en effet de leur réseau.» Le garde des Sceaux affirme, en outre, que certains détenus lui ont «écrit directement» pour pouvoir sortir de ce quartier ultra-sécurisé. Mais il est encore trop tôt pour dire «si le système de repentis a fonctionné», indique le ministre. Plusieurs dizaines de détenus ont d’ailleurs contesté sans succès leur transfert et leurs conditions de détention à Vendin-le-Vieil devant la justice administrative et judiciaire.

L’Association des avocats pénalistes a par ailleurs saisi le Conseil d’Etat, en déposant fin juillet un recours pour obtenir l’annulation du décret autorisant ces quartiers. L’Adap estime que le décret d’application est entaché d’illégalité car il ne prévoit «aucune précision qui encadre substantiellement et procéduralement l’appréciation des motifs de placement». Elle reproche par ailleurs «un manque de transparence lors de la détermination des personnes envisagées pour le placement» dans ces quartiers.

Lors d’une audience mercredi 8 octobre devant le Conseil d’Etat, le rapporteur public a préconisé le rejet de cette requête, estimant que le Conseil constitutionnel avait «expressément jugé que le législateur avait suffisamment défini les conditions d’affectation dans ces QLCO». La décision devrait être rendue d’ici la fin du mois d’octobre.

Fin septembre, la Cour de justice de la République avait par ailleurs classé une plainte visant le garde des Sceaux démissionnaire Gérald Darmanin, dénonçant les critères de sélection des narcotrafiquants qui ont été transférés. Elle avait été déposée par l’avocat d’un détenu qui venait d’y être incarcéré. Il reprochait au garde des Sceaux d’avoir ordonné ce transfert «en s’affranchissant de l’obligation d’établir des liens préexistants entre le détenu, depuis la détention, et des réseaux de criminalité ou de délinquance organisée».