C‘est la peine à laquelle a été condamnée Dahbia Benkired. Conforme aux réquisitions du ministère public, qui avait réclamé cette peine «en responsabilité pour protéger la société d’une femme dont je suis intimement convaincu de [l’]extrême dangerosité», ce vendredi 24 octobre, en conclusion du procès de l’affaire Lola Daviet.
Combien de fois cette sanction a-t-elle déjà été prononcée ?
Cette sanction, la plus lourde du Code pénal, n’a été prononcée que cinq fois en France depuis sa création en 1994 ; quatre fois pour des pédocriminels ayant tué des mineurs, et une fois pour le terroriste Salah Abdeslam, seul membre encore vivant du commando des attentats du 13 novembre 2015. Dahbia B., jugée pour viol, torture et meurtre sur Lola, 12 ans au moment des faits, est la première femme en France à encourir cette peine.
Même en novembre 2023, lors du procès de Monique Olivier, femme et complice de Michel Fourniret, lui-même ayant écopé de la perpétuité incompressible, la coupable de 78 ans n’avait écopé «que» de la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt ans. «C’est la seule avec qui on aurait pu comparer Dahbia B., mais dans le cas de Monique Olivier, c’était un homme aux manettes», pointe l’avocate pénaliste Isabelle Steyer inscrite au barreau de Paris.
Quelle est la définition exacte de cette peine ?
La perpétuité ou sûreté incompressible, est aussi communément appelée «perpétuité réelle» puisqu’elle ne permet pas d’aménagement de peine. C’est-à-dire que les années de détention prononcées lors du jugement ne peuvent pas être réduites ou aménagées comme prévu par le droit français pour des peines classiques.
Néanmoins, la loi prévoit qu’au bout de trente ans de détention, la personne condamnée puisse demander la réévaluation de sa peine, et une éventuelle sortie de prison. Cette décision ne serait prise que sur avis d’une commission composée de cinq magistrats de la Cour de cassation, après avoir consulté les victimes et à condition qu’elle ne cause pas de trouble grave à l’ordre public. «En principe, la perpétuité incompressible est à vie, mais le juge d’application des peines peut toujours évaluer la situation après la période de sûreté de trente ans, en fonction de cas exceptionnels : maladie grave, troubles psychologiques etc.», précise Me Isabelle Steyer.
Pensée comme un remplacement de la peine de mort abrogée en 1981, la perpétuité incompressible était initialement prévue pour des crimes de meurtre et de viols d’enfants. En 2011, après la mort d’un brigadier, elle a ensuite été étendue aux meurtres ou tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l’autorité publique. Après la série d’attentats ayant ensanglanté la France en 2015, une loi en a élargi à nouveau le périmètre, cette fois aux crimes terroristes.
En quoi cette sanction est-elle adaptée au cas de Dahbia Benkired ?
Me Isabelle Steyer justifie cette peine par le profil trouble de l’accusée : «Ce mode opératoire extrêmement bien ficelé, dangereux, qui témoigne d’une certaine jouissance à faire mal, pourrait être le premier d’une longue série», affirme-t-elle, y liant le caractère sériel des crimes des précédents condamnés.
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La mère de la petite Lola, Delphine Daviet, avait demandé à ce que «cette chose», «ce monstre» soit emprisonné toute sa vie - désignant par ces termes Dahbia Benkired. «C’est une réponse à la demande de la famille, et à l’opinion publique», estime Me Steyer. «Quand on a aussi peu d’affect, de faculté à raconter ce que l’on a fait subir, même rétrospectivement, est-ce que l’on n’est pas dans les circonstances d’une récidive ?», interprète l’avocate, qui s’interroge sur la manière dont la prévenue s’est présentée à la cour d’assises : mutique ou provocatrice, se détournant des faits reprochés pour évoquer sa rupture avec son ex-petit ami.
Incarcérée depuis trois ans en détention provisoire à la prison de Fresnes, Dahbia Benkired devra donc attendre au moins 27 ans avant de demander à ce que sa peine soit réévaluée. Ses avocats disposent d’un délai de dix jours pour faire appel de la décision rendue ce vendredi.
Mise à jour à 17h36 avec la condamnation de Dahbia Benkired.