Vingt-cinq suspects ont été mis en examen à Paris vendredi 30 mai, dont six mineurs, pour des tentatives et projets d’enlèvements dans le milieu des cryptomonnaies, a indiqué le parquet samedi 31 mai. «Dix-huit personnes ont été placées en détention provisoire, trois ont sollicité un débat différé, quatre ont été placées sous contrôle judiciaire», a précisé le ministère public, qui a ouvert une information judiciaire notamment sur la tentative d’enlèvement de la fille et du petit-fils du PDG de la société spécialisée Paymium, le 13 mai, en pleine rue dans le XIe arrondissement de la capitale. Mais aussi sur «d’autres projets non aboutis», a précisé le parquet de Paris.
Comme une première tentative d’enlèvement des proches du PDG de Paymium, le 12 mai, d’après plusieurs sources proches du dossier. Ou un projet d’enlèvement près de Nantes, déjoué in extremis par les forces de l’ordre. Dans celui-ci, deux commandos avec deux camionnettes devaient être utilisés, selon l’une de ces sources. L’un des commandos a été repéré car il utilisait la même camionnette que celui ayant opéré le 13 mai, a précisé vendredi une autre source proche.
Fusibles
Pour Ambroise Vienet-Legué, qui défend l’un des suspects du volet nantais, ce dossier se caractérise par des «profils très jeunes, hameçonnés par de l’argent puis pris dans une dynamique qui les dépasse». «Mon client a reconnu avoir été l’un des fusibles d’une machine criminelle» et «regrette amèrement», a assuré l’avocat. Le suspect, 18 ans, a été placé en détention provisoire.
«Mon client, fraîchement 18 ans et recruté par des personnes aguerries, risque d’aller en détention à cause d’un contexte où la justice veut faire passer un message, sans individualiser», s’est inquiété Me Sobieslaw Bemmoussat, autre avocat en défense. L’un des mis en examen placés sous contrôle judiciaire est un homme de 23 ans soupçonné d’avoir véhiculé «une personne à la demande d’un tiers», selon une troisième source proche.
Séquestration
«La juge des libertés et de la détention a retenu la particularité du profil de notre client, qui n’a rien à voir avec l’affaire», se sont félicités ses avocats, Mahaut Laravoire et Adrien Sorrentino, sollicités par l’AFP. «Il est rassurant de constater que dans un dossier à fort écho médiatique les magistrats font la part des choses et tiennent encore compte de la minorité des mis en examen», a aussi commenté Julien Fresnault, avocat d’un adolescent de 16 ans, accusé d’être impliqué dans la tentative avortée du 12 mai.
Ces tentatives de Nantes et du 13 mai à Paris ont aussi «des liens» avec une autre affaire : la séquestration, le 1er mai, du père d’un homme ayant fait fortune dans les cryptomonnaies, avait indiqué une source proche de l’enquête en début de semaine. Ces indices esquissent les contours d’un réseau dont l’existence doit encore être confirmée par l’information judiciaire.
Un logisticien aguerri
La série noire a commencé dès janvier, avec des affaires similaires. Au début du mois, un influenceur en cryptomonnaies a été retrouvé dans le coffre d’une voiture près du Mans. Puis il y a eu la séquestration, fin janvier, du cofondateur de Ledger, David Balland, et de sa compagne. Le couple avait été enlevé à son domicile à Méreau (Cher). Balland a eu le doigt coupé, puis a été libéré. Sa compagne avait été découverte ligotée dans un véhicule.
L’un des suspects mis en examen a été présenté comme le commanditaire. Mais selon une autre source proche du dossier, il s’agirait plutôt «d’un logisticien» aguerri, déjà détenu provisoirement pour une autre affaire d’enlèvement liée aux cryptomonnaies : le kidnapping en août 2023 du père du Youtubeur TeufeurS (Killian Desnos). Rapt contre rançon : «Le mode opératoire n’est pas nouveau», analyse pour l’AFP un connaisseur de ces dossiers, «mais il s’est intensifié en 2025», avec des manifestations de violence.
Ainsi, à l’instar de David Balland dans l’affaire Ledger, le père d’un homme ayant fait fortune dans les cryptomonnaies, qui avait été enlevé le 1er mai dans le XIVe arrondissement de Paris, a eu un doigt sectionné. Il a été libéré après 58 heures de séquestration. Signe que la menace est prise au sérieux, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a réuni mi-mai les professionnels de la cryptomonnaie pour «prendre ensemble des mesures pour les protéger».