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Justice

Rétractation de Takieddine en faveur de Sarkozy : Carla Bruni-Sarkozy auditionnée comme «mise en cause» par les enquêteurs

Procès Sarkozy : l'ancien président face à la justicedossier
La femme de Nicolas Sarkozy a été entendue ce jeudi 2 mai pendant trois heures dans le cadre de l’affaire de la rétractation du sulfureux intermédiaire en 2020, qui était revenu sur ses accusations contre l’ex-président sur le financement libyen de 2007. Elle est soupçonnée a minima d’avoir joué un rôle de point de contact entre différents protagonistes.
Carla Bruni-Sarkozy, en 2019 à Paris. ( Eric Feferberg/AFP)
publié le 2 mai 2024 à 12h11
(mis à jour le 2 mai 2024 à 18h20)

La chanteuse, mannequin et femme de Nicolas Sarkozy, Carla Bruni-Sarkozy, a été entendue ce jeudi 2 mai pendant trois heures dans le cadre de l’enquête sur la rétractation en 2020 de l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui accuse Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne présidentielle 2007 avec des fonds libyens. Depuis mai 2021, deux juges enquêtent sur ce qu’ils décrivent comme une «affaire d’une gravité majeure». Ils soupçonnent entre autres l’intermédiaire Noël Dubus, «Mimi» Marchand, la «papesse» des paparazzis ou le défunt financier Pierre Reynaud d’avoir payé ou promis de rétribuer Takieddine, avec l’éventuel aval de Nicolas Sarkozy, pour que l’intermédiaire retire ses propos.

L’ancien chef de l’Etat a d’ailleurs été mis en examen dans ce dossier début octobre, pour recel de subornation de témoin et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’escroqueries au jugement en bande organisée.

Déjà entendue comme témoin dans cette information judiciaire en juin 2023, Carla Bruni-Sarkozy a été cette fois interrogée en audition libre mais en tant que personne mise en cause par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre. Son audition s’est terminée en début d’après-midi, a indiqué une source proche du dossier. Ses avocats, maîtres Paul Mallet et Benoît Martinez, ont assuré qu’«au cours de cette audition qui s’est déroulée dans un climat serein, elle a pu apporter l’ensemble des éclairages et explications utiles.» Concernant d’éventuelles poursuites, «aucune décision immédiate n’a été prise par les magistrats instructeurs», a précisé la source judiciaire.

«Volonté de dissimulation» et test PCR

La justice s’est intéressée à Carla Bruni-Sarkozy quand Michèle Marchand (dite «Mimi»), figure de la presse people, également mise en cause dans le dossier, avait argué de rencontres avec son amie, épouse de Nicolas Sarkozy, pour justifier de déplacements au domicile du chef de l’Etat à des moments clés de l’opération. Mais selon une source proche du dossier, le juge d’instruction s’est depuis interrogé sur divers éléments à charge, et notamment sur une «volonté de dissimulation» de Carla Bruni alors que tous ses messages échangés avec Michèle Marchand auraient été supprimés le 5 juin 2021, jour de la mise en examen de cette dernière.

Ensuite, Carla Bruni est soupçonnée de l’avoir aidée, elle et le paparazzi Sébastien Valiela, à obtenir un test PCR mi-octobre 2020, en pleine crise du Covid, leur permettant ainsi de partir au Liban faire l’interview qui donnera lieu à la rétractation de Takieddine. L’ex-mannequin est donc suspectée d’avoir joué a minima un rôle de point de contact dans ce dossier entre différents protagonistes.

Questionné sur ces éléments lors de sa mise en examen début octobre, Nicolas Sarkozy avait répondu : «A ce moment-là, elle a besoin de passer un test PCR comme des millions de Français à cette époque. Ma femme aide Michèle Marchand comme elle rend service à son amie pour qu’elle parte en voyage». Sur les messages supprimés par son épouse sur son téléphone, il avait souligné avoir lui gardé les siens, ajoutant : «Si c’était une volonté stratégique ou de dissimuler, on pourrait se demander pourquoi elle et pas moi ?» Des auditions ont été réalisées ces derniers mois dans l’entourage de Carla Bruni-Sarkozy, a indiqué à l’AFP une autre source proche du dossier.

Une spectaculaire volte-face

L’affaire a explosé en novembre 2020, lorsque Ziad Takieddine, principal témoin à charge contre Nicolas Sarkozy depuis 2012, avait opéré une spectaculaire volte-face sur BFM TV et Paris Match en déclarant que l’ex-chef de l’Etat n’avait «pas touché un centime, cash ou pas cash, pour l’élection présidentielle» de 2007 de la part du défunt dictateur libyen Muammar al-Kadhafi. En fuite au Liban, pour échapper à sa condamnation dans l’affaire Karachi, Takieddine était revenu sur ses propos deux mois plus tard devant les magistrats instructeurs.

Le Parquet national financier (PNF) a ouvert en mai 2021 une information judiciaire sur ces faits, avant une première vague d’interpellations le mois suivant. Dans ce dossier, ce sont désormais onze protagonistes, en comptant Carla Bruni, qui sont soupçonnés d’avoir œuvré, à des moments et degrés divers, dans cette opération qui aurait principalement visé à tromper la justice française.

Mise à jour à 18h15 : avec fin de l’audition.