Des cordons de police, une rue interdite d’accès, et tout autour, une foule d’élèves et des passants interloqués. Mardi, peu après 8 heures, un adolescent de 16 ans a été tué par arme blanche au cours d’une rixe à proximité du collège-lycée Rodin, dans le XIIIe arrondissement de Paris, a appris Libération auprès d’une source policière. «On sait simplement ce matin qu’il y avait des jeunes qui sont venus là avec des intentions d’en découdre face à d’autres jeunes, et ça s’est terminé par un drame, raconte Loïc Walder, délégué national Unsa Police, présent sur place peu après. A priori il y a des gens qui étaient scolarisés et d’autres pas.» «La plupart des élèves étaient déjà entrés dans l’établissement» au moment des faits, informe le maire du XIIIe Jérôme Coumet, qui a accouru sur les lieux du drame. «On a essayé de comprendre le lien avec le territoire, on n’en trouve pas», souffle l’édile, alors que la victime «était scolarisée dans un département voisin [à Alfortville]».
Lors de l’arrivée des premiers policiers, les protagonistes «avaient pris la fuite». Une personne a tout de même été interpellée, sans que l’on sache si elle était directement impliquée dans la rixe. Un mineur «se trouvait en arrêt cardio-respiratoire […] présentant des blessures à la tête», ajoute le parquet de Paris, précisant qu’un «couteau avait été découvert à proximité». Les secours dépêchés sur place ont pris en charge deux blessés, l’un en urgence absolue, l’autre en urgence relative. La victime a été transportée inconsciente par les secours à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière, où son décès a «été constaté à 9h15, en dépit des tentatives de réanimation du Samu». Une enquête pour meurtre a d’abord été ouverte, avant que les faits soient requalifiés en «assassinat». Peu après, les élèves ont reçu un message du proviseur : «L’établissement est sécurisé, les cours continuent normalement. Un filtrage est cependant fait du côté du lycée le temps d’évacuer la victime. Les lycéens ne peuvent pour l’heure pas y entrer. Le collège n’est pas touché.»
Un niveau inédit de violences dans le quartier
Devant le lycée, peu avant la pause du midi, de nombreux élèves étaient rassemblés pour tenter de comprendre. Simon est «sous le choc». Tout juste majeur, il est scolarisé dans un établissement voisin, mais a passé trois ans au lycée Rodin. Il est inquiet : il y a encore des amis, et ne sait pas s’il connaît la victime. «Quand je suis passé, j’ai écarquillé les yeux : t’apprends qu’il y a un mec qui s’est fait planter, quoi !»
Enquête
«J’étais en retard pour aller en cours. Je courais dans la rue Corvisart, je tourne la tête et je vois un groupe de quatre, cinq personnes autour d’une personne recroquevillée sur elle-même, par terre», raconte Noham, 15 ans et scolarisé en seconde . «Je me dis que c’est peut-être une bagarre, ça arrive. Mais jamais je me suis dit que c’était un meurtre, que ça prenne une aussi grande ampleur. En arrivant au lycée, j’ai vu la CPE sortir du lycée courir pour aller voir la scène, et dire qu’il fallait appeler la police.» Le lycéen est ensuite allé en cours. Quelques dizaines de minutes plus tard, «les policiers sont rentrés dans les salles avec les cantinières pour voir s’ils reconnaissaient des gens liés à ce qu’il s’était passé», poursuit-il. Son amie Rita, 16 ans, n’a pas assisté à la bagarre. Quand elle est arrivée, elle raconte un épisode confus, avec «du gaz lacrymogène devant Rodin. Tout le monde s’est un peu agité.» Sans débordement à l’intérieur de l’établissement.
«Ce quartier-là n’est pas touché par l’insécurité»
Ce meurtre «s’inscrit dans la continuité d’un phénomène de rixes entre jeunes récurrentes sur le secteur du XIIIe arrondissement, où huit affrontements ont été constatés depuis le mois de mai 2024», rappelle le parquet. Toutes les personnes interrogées par Libération sur place certifient néanmoins que ce phénomène ne concernait pas vraiment cet établissement. «Ça arrive qu’il y ait quelques bagarres, mais c’est pas pour autant qu’il faut lui créer une réputation de lycée chaud. Ce n’est pas du tout le cas», assure Jane, 15 ans, en seconde. Sa copine Lara acquiesce. Des bagarres, oui, «mais aussi violemment, non». Même chose pour Nicolas, qui tient un bar-restaurant à l’angle des rues Corvisart et Edmond Gondinet et qui a vu la tentative de réanimation de la victime. Dix-huit ans qu’il occupe les lieux, et hormis «quelques petites bastons», il décrit un endroit «très calme».
S’il maintient que les bagarres ont «progressé dans le XIIIe arrondissement», Loïc Walder confirme que «ce quartier-là n’est pas touché par l’insécurité, par ces rixes-là». «A partir du moment où vous avez quelqu’un qui s’est fait tuer, ça va rester dans les mémoires, ça va marquer les gens et c’est quelque chose qu’il va falloir endiguer.»
Venue apporter son «soutien au personnel enseignant» et aux élèves, la députée écologiste Sandrine Rousseau, dont la circonscription est limitrophe du lycée, souhaite aussi relayer un «message de raison, pour ne pas imaginer que nous sommes là dans un phénomène de guérilla urbaine mais dans une rixe qui a mal tourné, avec la vie d’un enfant qui a été arrêtée de manière scandaleuse.»
Mise à jour à 17h11 avec notre reportage sur place, et l’enquête requalifiée en «assassinat».