Le voilà de dos, qui marche et paraît très grand – alors qu’il ne l’est pas tant que ça. Peut-être est-ce ce grillage qui couvre le ciel et donne l’impression d’être enfermé dans une cage à poules. Robert Badinter, l’homme politique français qui a marqué son siècle en abolissant la peine de mort en France, est là, dans la minable cour de promenade d’une prison noirâtre où la nuit tombe, à Sofia, en Bulgarie. Il a 82 ans alors, et il parcourt les prisons d’enfants d’Europe de l’Est, en tant qu’«émissaire spécial» de l’Unicef. Badinter dans une prison dont tout le monde se moque. Badinter à qui un prisonnier dit que la douche c’est une fois seulement par semaine : «La plupart du temps, on pue» (le Bulgare ne savait pas bien qui était cet étranger qui lui posait des questions). Badinter qui a insisté pour savoir ce que voulait dire ce graffiti : «C’est une insulte, a répondu l’interprète, gêné. C’est “pédé”.» Et celui-là ? «J’aurais tout donné pour l’amour, mais pour la liberté, je vais donner l’amour.» Badinter est mort et c’est la visite de cette prison de Sofia qui nous revient. Badinter qui serre les dents dans cette cellule sans air où sont enfermés trois enfants, Badinter qui dit «sentiment de révolte absolue», «inhumanité ordinaire». Badinter qui s’assoit sur le banc cassé de la cour de promenade, lève la tête et regarde le grillage : «Même le ciel est emprisonné.»
Son interview pour les 40 ans de la loi de 1981
«Le seul véritable combat de Robert Badinter est celui de la li