Hugo Auradou et Oscar Jegou sont de retour sur le territoire français. Mis en cause depuis deux mois dans une affaire de viol en Argentine, les deux joueurs du XV de France de rugby ont atterri ce mercredi 4 septembre à l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. La veille, une nouvelle audience avait conclu que les mis en cause étaient libres de quitter le pays d’Amérique du Sud. Lors de ce rendez-vous devant le pôle judiciaire de Mendoza, fixé à 16 h 30 heure française, la justice argentine s’était notamment prononcée sur l’extension des expertises psychologiques – que sollicitaient les avocats de la plaignante – des deux athlètes, accusés de viol aggravé en réunion dans la nuit du 6 au 7 juillet à Mendoza. Tous deux demeurent cependant inculpés.
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Lundi, le parquet de Mendoza avait recommandé qu’ils soient autorisés à quitter le pays «pour qu’ils puissent voyager en France». La sortie «concrète et effective» des joueurs était conditionnée au résultat de l’audience de ce mardi. L’accusation ne s’est pas opposée à la recommandation du parquet d’autoriser le départ d’Hugo Auradou et Oscar Jegou d’Argentine, avait indiqué le tribunal dans un communiqué : «Cette résolution reste donc valide, et ils pourront s’en aller du pays à partir de maintenant», ajoute le communiqué.
Le même jour, les avocats de la plaignante avaient déposé une demande de «récusation formelle» de Dario Nora et Daniela Chaler, les deux procureurs chargés de l’enquête, dénonçant leur «manque d’objectivité» supposé. Une requête déboutée dans la foulée par le ministère public, selon lequel «la perte d’objectivité des magistrats impliqués n’a pas été prouvée» ; énième épisode d’une série judiciaire qui bouleverse le monde du rugby. Ils déploraient aussi que les joueurs puissent bientôt reprendre en France «le cours de leur vie normale, tandis que la plaignante souffre de préjudices irréparables».
Car si ces dernières semaines ont marqué une inflexion sensible dans le dossier en faveur des Français, la justice argentine a dans un premier temps frappé fort. Le deuxième ligne de Pau et le troisième ligne de La Rochelle ont été arrêtés à Buenos Aires le 9 juillet par la police argentine, soupçonnés de violences sexuelles au beau milieu d’une tournée du XV de France en Amérique du Sud. Ils sont accusés par une femme rencontrée en boîte de nuit, selon les termes employés par le média argentin pour qualifier les faits, d’«acceso carnal». L’équivalent français de cette expression du droit argentin est le viol, en l’occurrence aggravé car commis en réunion – par deux personnes ou plus.
Deux versions qui s’affrontent
Les faits présumés ont eu lieu dans la nuit du samedi 6 au dimanche 7 juillet au Diplomatic Hotel, à Mendoza, où logeaient les joueurs et le staff – Hugo Auradou et Oscar Jegou venaient de porter pour la première fois le maillot bleu lors de la victoire des Français contre les Pumas argentins (28-13). La plaignante dit avoir subi des viols et des violences de la part des deux. Son avocate Natacha Romano parle de «violences sexuelles particulièrement atroces». Eux, défendus notamment par Rafael Cuneo Libarona, le frère du ministre de la Justice argentin, affirment que les relations sexuelles avec la plaignante étaient consenties et nient toute violence. Le 9 juillet, le parquet évoque pourtant des «lésions compatibles» avec le récit de la victime présumée.
Cette femme de 39 ans est hospitalisée le 11 juillet, pour une période d’observation de vingt-quatre à quarante-huit heures. Selon son conseil, elle souffre «d’une décompensation générale du corps suite à tout ce qui s’est passé». Auradou et Jegou, de leur côté, sont mis en examen pour viol aggravé le lendemain. Des faits passibles de vingt ans de prison. Les deux joueurs passent une dizaine de jours en détention avant d’être assignés à résidence.
Un mois plus tard, le 12 août, le parquet de Mendoza acte leur remise en liberté et souligne «des contradictions notoires, incohérences [et] zones grises» dans le récit de la plaignante. Dans leurs dépositions, les versions des deux parties – relatées dans un article de nos confrères du Parisien le 15 août – sont diamétralement opposées. Par ailleurs, le 9 août, le quotidien argentin Clarín révèle le contenu de messages vocaux échangés entre la plaignante et l’une de ses amies. Datés du 7 juillet, ils ont été envoyés quelques heures après les faits présumés. Dans cette conversation, la femme qui accuse Hugo Auradou et Oscar Jegou détaille sa soirée dans des termes crus, sans évoquer de relation non consentie. Le 16 août, une vidéo provenant de la caméra de vidéosurveillance de l’ascenseur de l’hôtel est révélée par le média Mendoza Post. Sur les images, la plaignante ne semble pas demander d’aide aux personnes croisées et ne laisse transparaître aucun signe d’agitation. Des éléments qui affaibliraient la version de la plaignante, selon les avocats de la défense.
#Video El momento en el Patrick Arlettaz, el team manager de la selección de rugby de Francia, compartió el ascensor con la mujer que denunció a los jugadores Hugo Auradou y Oscar Jégou por el delito de abuso sexual. pic.twitter.com/PgnQdugsC2
— Mendoza Post (@MendozaPost) August 16, 2024
Cette dernière a tenté de se suicider le 23 août, à la veille d’une audience où les conseils des joueurs entendaient demander un non-lieu. Natacha Romano précise que sa cliente reste hospitalisée et «suit actuellement un traitement intensif». Cette dernière serait «dans un état émotionnel bouleversé», mais «assistée par les psychiatres de l’hôpital public». Dans un extrait d’interview, réalisée avant la décision de mardi, pour l’émission Envoyé spécial qui doit être diffusée le 12 septembre, la plaignante réaffirme avoir été violée et frappée. «Ils m’ont brutalisée et considérée comme un morceau de viande», déclare-t-elle. De leur côté, les rugbymen ont pu récupérer leurs passeports et ont quitté mardi 27 août Mendoza, pour retourner dans la capitale argentine Buenos Aires.
Le même jour, ils ont déposé une demande de non-lieu. Si aucune date n’a encore été fixée pour son examen, celle-ci pourrait intervenir d’ici quelques jours. Pour l’heure, Hugo Auradou et Oscar Jegou doivent rester à la disposition de la justice argentine, qu’ils rentrent à Paris ou non. Car si la recommandation du parquet d’autoriser les joueurs à voyager en France a été validée ce mardi par la justice, elle est «assortie de règles». Les joueurs doivent notamment «se présenter s’ils sont convoqués au consulat d’Argentine en France, établir une adresse réelle et virtuelle», voire «se présenter à Mendoza (1 000 kilomètres de Buenos Aires) si cela leur est demandé».
Mise à jour : ajout ce mercredi 4 septembre à 9 heures avec l’arrivée en France attendue ce mercredi des deux joueurs et de l’interview de la plaignante accordée à «Envoyé spécial».
Mise à jour : ce mercredi 4 septembre à 19 5 50 avec l’arrivée en France des deux joueurs.