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Intrusif

Sciences-Po Paris porte plainte après la découverte de deux caméras espions dans les toilettes

Sciences-Podossier
L’Institut d’études politiques parisien a annoncé le 8 novembre avoir trouvé deux appareils, en deux mois, qui auraient filmé des personnes dans les toilettes de la bibliothèque. Une plainte a été déposée, sans en informer les étudiants, avant qu’une deuxième n’incite la direction à communiquer.
L’association d’étudiants Nova Sciences-Po a appelé les victimes à se rapprocher du Pôle Santé de l'institut ou d’un référent violences sexistes et sexuelles de l’école pour un accompagnement en cas de besoin. (Emmanuel Dunand/AFP)
publié le 13 novembre 2024 à 16h02

Après des locataires Airbnb filmées à leur insu, au tour des étudiants. Deux caméras espion ont été retrouvées successivement dans les toilettes de la bibliothèque de l’Institut d’études politiques de Paris, ont appris les étudiants de l’établissement le vendredi 8 novembre, comme le révèle le magazine Marianne, qui évoque par ailleurs deux caméras connectées et «fixées par un système d’aimant sur une paroi vitrée». La première caméra a été identifiée peu après la rentrée universitaire, le 17 septembre, occasionnant un premier dépôt de plainte de l’IEP auprès du commissariat du VIIe arrondissement. La découverte d’une deuxième caméra, le 7 novembre, au même endroit, a été ajoutée au dossier, suivi d’un communiqué de l’école à ses étudiants. Jusque-là, la direction avait tenu l’information secrète.

Dans ce communiqué interne que Libération a pu consulter, l’école a appelé à «une vigilance accrue dans ces espaces». L’IEP a également expliqué la démarche à suivre si de nouveaux appareils sont trouvés, en les invitant à «les photographier, puis […] les saisir, et […] les apporter au bureau des appariteurs». Interrogée le 12 novembre par France 3 Paris Ile-de-France, la direction de l’IEP a assuré que «Sciences-Po a[vait] immédiatement pris toutes les mesures qui s’imposent pour répondre à cet acte inacceptable». Avant d’ajouter que «des recherches ont d’ores et déjà été lancées dans l’ensemble des locaux de Sciences-Po et seront dorénavant systématisées».

«C’est trop tardif»

Julie (1), récemment diplômée de l’Institut, regrette le manque de communication de la part de la direction : «On ne savait même pas qu’une première caméra avait été trouvée, c’est pas normal et ça m’inquiète de ne pas avoir été prévenue. C’est trop tardif, sachant que beaucoup d’étudiants sont concernés puisqu’il s’agit de toilettes mixtes.» Elle la première, qui a passé ses journées de septembre et d’octobre à travailler à la bibliothèque. «C’est dérangeant d’imaginer que j’ai été filmée, c’est même certain, poursuit-elle. Il y a forcément des images qui ont été prises de moi parce que j’étais là tous les jours, de 8 heures à 18 heures. J’ai très souvent utilisé les toilettes situées près des escaliers au troisième étage de la bibliothèque.»

La jeune femme de 23 ans, habituée de cette bibliothèque depuis deux ans, aurait pu ne rien savoir, ayant été informée par d’autres étudiants : «Comme je suis une Alumni, je ne suis plus considérée comme une étudiante, donc je n’ai pas reçu le communiqué interne. D’ailleurs, [le mail] ne détaille pas de quelle toilette il s’agit.» Potentiellement filmée, Julie espère au fond d’elle «qu’on ne retrouve jamais ces contenus».

Le premier syndicat d’étudiants, Nova Sciences-Po, s’est aussi indigné. Si l’organisation confirme que l’école a informé «l’ensemble des communautés de l’établissement de la détection à deux reprises de caméras connectées dissimulées dans les toilettes de la bibliothèque du 27 rue Saint-Guillaume», elle déplore une annonce tardive. Nova Sciences-Po a par ailleurs appelé les victimes à se rapprocher du Pôle Santé de Sciences-Po ou d’un référent violences sexistes et sexuelles de l’établissement pour un accompagnement. De son côté, l’école a annoncé avoir remis une caméra à la police pour «faciliter la recherche d’un coupable».

(1) Le prénom a été changé.