Quelle peine pour Rédoine Faïd ? Le «roi de la belle», jugé depuis le 5 septembre pour son évasion en hélicoptère de la prison de Réau, en Seine-et-Marne en 2018, connaîtra sa peine, ce mercredi 25 octobre. Pour ce nouveau fait d’armes, l’avocat général a requis vingt-deux ans de réclusion contre le braqueur multirécidiviste, qui n’était déjà théoriquement libérable qu’en 2046. Pour en décider, le jury s’est réuni dans un lieu tenu secret. Il délivrera son verdict à l’endroit des douze accusés «à partir de 17 heures». En attendant, Libé replonge dans ce procès au long cours à travers sept récits d’audience.
Procès de Rédoine Faïd : la prison vue du ciel
Cinq ans après sa première évasion, de la prison de Lille-Sequedin, Rédoine Faïd remet ça. Pour s’extirper du «goulag», où il est assigné depuis sa condamnation pour le braquage raté d’un convoi de fonds ayant entraîné la mort d’une policière, le braqueur met les petits plats dans les grands. C’est au moyen d’un hélicoptère volé au responsable d’un aérodrome qu’il prend l’air vingt-huit ans avant sa libération théorique. Une perspective inenvisageable pour Faïd, roi de la belle mais mauvais cavaleur, durera trois mois. Récit et portrait.
Le «drogué de liberté», le «samaritain» et «monsieur Tout-le-Monde»
Si Rédoine Faïd capte toute la lumière, on voit moins ses deux frères, jugés pour leur participation à l’évasion. Mêmes sourcils broussailleux, regards vifs et crânes rasés, Brahim (63 ans) et Rachid (65 ans) sont à côté de leur frère quinquagénaire dans le box des accusés. Devant les questions de la cour, l’aîné, qui avait déjà été condamné en 2004 pour avoir fait passer une puce de téléphone à Rédoine derrière les barreaux, présente sa participation aux faits comme l’acte d’amour d’un «Samaritain» envers un frère éperdu de liberté. Le cadet, au parloir avec le benjamin au moment des faits, nie toute implication. Présentation.
Le paravent, l’«ex-repenti» et le parrain corse
Le procès de l’évasion de Rédoine Faïd est aussi celui de l’implication d’une figure du gang de la Brise de mer, Jacques Mariani. Balancé par un homme, «Marc», caché derrière un paravent, le presque sexagénaire corse, «quarante ans de prison», est accusé d’avoir appuyé un projet d’évasion de Faïd en échange d’un coup de main pour sa vendetta familiale. Présentation.
Jacques Mariani et le récit de sa «vie de voyou»
Second rôle de ce procès – il n’est jugé que pour avoir appuyé un premier projet d’évasion, en 2017, pas celui de Réau –, Mariani plaide la bonne foi : «Si j’avais aidé Rédoine Faïd je vous l’aurais dit. Je ne le connais pas, je l’ai vu qu’une fois.» Fils du parrain de la Brise de mer, il parle d’une «vie de voyou […] choisie», de l’isolement et des humiliations en prison. On parle finalement assez peu de Rédoine Faïd à travers Jacques Mariani, qui doit encore faire face à deux cours d’assises. Récit.
«T’inquiète, on va t’asperger de javel pour éviter les traces ADN»
Et soudain, le procès plonge dans les faits. Raconté par sa principale victime, l’évasion de Rédoine Faïd a des airs moins héroïques. A la barre, Stéphane Buy, l’instructeur d’hélicoptère pris en otage par le commando derrière le projet, raconte les menaces des deux hommes, venus quelques jours plus tôt pour un baptême de l’air. «Ils m’ont expliqué que j’avais intérêt à bien faire mon travail, sinon, ils tueraient quelqu’un de ma famille.» Face au traumatisme encore présent, Rédoine Faïd et son frère Brahim s’excuseront. Compte rendu.
Le héros volubile, son «gars sûr» et toutes les vies sacrifiées
Après Stéphane Buy, c’est au tour des accusés de faire le récit de l’opération. L’hélicoptère atterrit dans la cour de la prison de Réau et, sept minutes de disqueuse plus tard, le braqueur est désincarcéré. Un des trois neveux dans le box l’assure, il a juste livré la Kangoo qui a permis de transporter le groupe. Brahim Faïd assure être resté comme deux ronds de flan alors qu’il était au parloir avec son benjamin le jour-J. Qui a coordonné ? Qui a participé ? Seul Rachid Faïd admet sa présence à l’intérieur de l’hélicoptère. Sans donner de nom et surtout pas ceux des neveux. Pour les détails, il faut voir avec Rédoine. Récit.
La «logeuse» et «les secrets de balcon»
Après les complicités sur l’évasion, place à celles pour la cavale. Qui a hébergé le braqueur et ses complices ? Comment était-il pendant ces quatre mois ? C’est le récit que fait la logeuse de Rédoine Faïd, qui s’est présenté une nuit de septembre dans son salon. Faïd y est présenté comme «très tendu», multipliant les reproches à ses libérateurs, son frère et son neveu Ishaak, dont elle était proche. Ishaak qui lui confiera avoir été dans l’hélicoptère, Ishaak qui, face à la cour, prétendra ensuite avoir grossi son rôle pour la convaincre de garder encore les fuyards. L’article en entier.
Et soudain apparaît à l’écran, le visage de l’ex-repenti que personne n’aurait dû voir
Un incident d’audience improbable. L’un des accusés, dont l’identité était protégée par un paravent, a vu sa protection filer entre ses doigts lorsqu’un cafouillage technique a entraîné son apparition à l’écran. «Marc», qui se décrit comme un «homme» de Jacques Mariani, a raconté avoir été l’intermédiaire entre Faïd et le bandit corse. Lorsqu’il apparaît de plain-pied, le public réagit : «On le voit !» «Chut !» rabroue la compagne de Jacques Mariani, assise au premier rang, qui semble se délecter de la scène. A l’écran, pendant des minutes aux airs d’éternité, Marc reste pétrifié, le visage blême. Son avocate se plante devant lui pour tenter de masquer sa silhouette. Les policiers s’activent maladroitement pour déplacer le paravent, l’enfermant en sandwich entre les pans (ce qui ne le rend pas moins visible). Oscillant entre effroi et absurde, la salle est finalement évacuée. Compte rendu.