Symbole de l’ultra-fast-fashion et de ses conséquences écologiques et sociales désastreuses, Shein est régulièrement dénoncée depuis son entrée en France en 2015. Et voilà qu’est mise en lumière une autre dérive du géant de l’e-commerce chinois : la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a annoncé samedi 1er novembre avoir signalé à la justice la vente de «poupées sexuelles d’apparence enfantine» après avoir constaté leur présence sur le site de vente à bas prix.
«Leur description et leur catégorisation sur le site permettent difficilement de douter du caractère pédopornographique des contenus», pointe la répression des fraudes dans son communiqué. Les faits ont été signalés «immédiatement» au procureur de la République, ainsi qu’au régulateur de la communication audiovisuelle et numérique, l’Arcom.
«Il y a même des commentaires de consommateurs»
Le Parisien a publié la photo d’un de ces jouets sur son site : poupée de 80 centimètres, corps et traits de fillette, ours en peluche contre son bas-ventre. «poupée sexuelle […] jouet de masturbation masculine avec corps érotique et vrai vagin et anus» en description, selon le quotidien, qui précise le prix de la poupée : 186,94 euros. «Il y a même des commentaires des acheteurs», s’indigne Alice Vilcot-Dutarte, porte-parole de la DGCCRF citée par le journal. «Un signalement a été fait à la plateforme lui suggérant de mettre en place rapidement les mesures appropriées». Il s’agit notamment du retrait des pages du site concernées et de la catégorie du produit.
Ce n’est pas la première fois que ce genre de ventes sordides se produit : en 2022, ce sont les représentants d’Amazon qui se sont retrouvés au tribunal judiciaire de Dieppe, pour la vente de poupées enfantines à caractère sexuel en 2020. Le site Amazon France n’a finalement pas été poursuivi dans un procès public pour ces faits - l’objet était vendu par une société tierce, chinoise, hébergée sur la plateforme - mais la société avait donné une liste de clients. Selon les Informations dieppoises, un homme ayant acheté l’objet a finalement été condamné en avril 2023 à trois mois de prison avec sursis, obligation de suivre des soins psychiatriques et de verser 1 euro à La Voix de l’Enfant (l’association avait déposé plainte).
Concernant Shein, le dossier est entre les mains du parquet de Paris, selon une source au ministère de l’Economie. Contacté par l’AFP, ce dernier n’a pas répondu dans l’immédiat. «l’Etat ne faiblira pas pour protéger les Françaises et les Français» a pour sa part déclaré le ministre du Commerce, Serge Papin, depuis son compte X.
Enquête interne chez Shein
Dans une réaction transmise à l’AFP, l’entreprise fait savoir que les produits «ont été immédiatement retirés de la plateforme dès que nous avons eu connaissance de ces problèmes». L’entreprise assure appliquer «une politique de tolérance zéro» en la matière : elle dit qu’une «enquête» interne est en cours «sur la manière dont ces annonces ont pu contourner nos dispositifs de contrôle», ainsi qu’«une revue complète afin d’identifier et de retirer tout produit similaire susceptible d’être mis en vente par d’autres vendeurs tiers».
Enquête
La répression des fraudes a de son côté signalé l’absence de «mesure de filtrage» empêchant «efficacement» l’accès pour les mineurs à des contenus commercialisant des poupées sexuelles d’apparence adulte. «Ces signalements portent sur un site et une marque Shein pour lesquels des pratiques commerciales trompeuses et des allégations mensongères ainsi que plusieurs non-conformités ont déjà été largement constatées et sanctionnées précédemment», souligne le communiqué.
Comme le rappelle la DGCCRF, la diffusion de représentations à caractère pédopornographique est passible de peines allant jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende. Et l’absence de mesure de filtrage jusqu’à trois ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Visé par une proposition de loi contre l’essor de la mode jetable ultra-éphémère, Shein a déjà écopé cette année en France de trois amendes, d’un total de 191 millions d’euros, pour non-respect de la législation sur les cookies en ligne, fausses promotions, informations trompeuses, et pour ne pas avoir déclaré la présence de microfibres plastiques dans ses produits.
Autant dire que l’ouverture de cette enquête va alourdir le tollé provoqué par l’ouverture, dans quelques jours, du premier magasin physique pérenne de Shein au BHV, grand magasin historique en plein coeur de Paris. Plusieurs marques françaises ont même quitté, en protestation, ce grand magasin historique de la capitale ; Disney a aussi renoncé à son partenariat de Noël. Mais ce n’est qu’une première étape dans l’installation en France du géant chinois. Avec la Société des Grands Magasins (SGM), propriétaire du BHV depuis 2023, il va investir cinq autres boutiques dans les prochaines semaines, aux Galeries Lafayette de Dijon, Reims, Grenoble, Angers et Limoges.