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Justice

Soupçons d’emploi fictif au Canard enchaîné : le procès renvoyé à dans neuf mois

Le procès de deux anciens dirigeants du journal satirique hebdomadaire, d’un dessinateur retraité et de sa compagne, soupçonnés d’abus de bien sociaux et de faux, a été renvoyé en juillet 2025 en raison de l’état de santé d’un des prévenus.
Nicolas Brimo (à gauche) et Michel Gaillard du «Canard enchainé» au Tribunal de Paris ce 8 octobre. (Cha Gonzalez/Libération)
publié le 8 octobre 2024 à 21h22

Onzième chambre du tribunal correctionnel, drôle d’endroit pour une réunion de rédaction. «Prévenu ou presse ? demande un agent de sécurité, face à un homme voûté par les années, bras qui tombent, manteau imperméable. — Bah… les deux.» Réponse du policier : «Alors là, il va falloir m’aider parce que je n’y comprends rien.» Bien simple : deux anciens directeurs historiques du Canard enchaîné, Nicolas Brimo, 73 ans, et Michel Gaillard, 80 ans, doivent être jugés pour «abus de biens sociaux» et «faux», étant soupçonnés d’avoir rémunéré pendant plus de vingt-cinq ans Edith Vandendaele, l’épouse du dessinateur André Escaro, alors qu’elle n’y aurait jamais travaillé.

Une affaire d’emploi fictif présumé au sein du Canard enchaîné, révélée par Christophe Nobili, l’enquêteur à l’origine de l’affaire Penelope Fillon, aujourd’hui soutenu par six journalistes de l’hebdo qui se sont constitués parties civiles à ses côtés. Il est 13h30, ce 8 octobre, quand les plumes se serrent dans la salle d’audience, certaines sur les bancs dédiés au public et à la presse, d’autres du côté des parties civiles. D’autres encore sont attendues sur les sièges réservés aux prévenus.

Au choix, on évite de se saluer, on s’envoie des regards un peu fumants ou on se claque la bise entre vieux copains… Un message vient d’être adressé au tribunal : le directeur de la rédaction, Jean-François Julliard, cité comme témoin n’a pas pu venir pour l’ouverture de l’audience, le bouclage du Canard enchaîné a lieu aux alentours de 15h30. Les deux prévenus au cœur de l’affaire, André Escaro et Edith Vandendaele, sont absents. L’état de santé du dessinateur, âgé de 96 ans, figure au cœur des premiers échanges. Insuffisance rénale de stade 4, multiples hospitalisations, Covid aggravé, crise de goutte… «Il est confus la nuit, il se réveille, il chute», détaille l’un des avocats de la défense, qui demande le renvoi du procès, invoquant l’obligation morale d’Edith Vandendaele de rester au chevet de son mari mourant.

Autre argument agité par l’avocat Jérémie Assous pour demander un renvoi : une plainte pour «perquisition numérique illégale», via un lien fourni par Christophe Nobili aux enquêteurs, classée sans suite. Après une pause, la présidente ordonne une mesure d’expertise afin d’estimer la capacité du couple à comparaître. Le procès est renvoyé à juillet 2025. Dans les couloirs du tribunal, les journalistes soupirent. «On le craignait, confie l’un d’eux. Ça va encore pourrir la situation, tout le monde est à bout.» Le journaliste Christophe Nobili résume l’atmosphère au journal : «On ne se parle plus, ce sont des murmures, des ricanements, des conciliabules…» Un autre soupire : «Neuf mois de perdu, on a hâte que ce soit derrière…» Dans l’édition hebdomadaire fraîchement bouclée, un court article promet : «Bien entendu, le Volatile ne manquera pas de revenir sur cette affaire.»