C’est la version française de l’affaire Epstein. Après le suicide de l’agent de mannequin Jean-Luc Brunel en détention en février 2022, ses avocats ont annoncé ce mardi 9 janvier avoir demandé une enquête administrative sur les «dysfonctionnements majeurs» de la justice, responsables d’après eux de la mort de leur client.
«Compte tenu des dysfonctionnements majeurs de l’ensemble de la chaîne pénale ayant abouti au suicide de Jean-Luc Brunel, Christophe Ingrain et moi-même avons saisi le garde des Sceaux pour qu’une mission d’inspection soit diligentée par l’Inspection générale de la justice», indique ainsi Me Marianne Abgrall. Sollicité sur cette demande transmise mi-décembre par courrier, le ministère de la Justice n’a pas souhaité commenter.
IRL, influence des radicalités en ligne
Pilier déchu du monde de la mode, proche du milliardaire américain aussi mort en prison Jeffrey Epstein, Jean-Luc Brunel avait été mis en examen et écroué en décembre 2020 pour «viols sur mineur de plus de 15 ans» et «harcèlement sexuel» concernant deux femmes, puis mis en cause fin juin 2021 pour «viol sur mineur de plus de 15 ans» pour des faits concernant une troisième femme. En décembre 2021, le septuagénaire avait été libéré l’espace de quatre jours par un juge des libertés et de la détention avant d’être réincarcéré par la cour d’appel de Paris.
Plusieurs tentatives de suicide
Au cours de sa détention, il avait fait plusieurs tentatives de suicide, avant d’être retrouvé mort dans sa cellule dans la nuit du 18 au 19 février 2022, à l’âge de 75 ans. L’enquête ouverte concernant sa mort a été classée : «D’après les experts psychiatres, ce suicide serait réactionnel à sa mise en examen et à sa réincarcération», mais aucune «infraction pénale» ne peut être établie, a argumenté une procureure parisienne fin mars 2023. «La multiplication des passages à l’acte en un an de détention et la présence d’un épisode dépressif caractérisé devaient nécessairement le faire considérer comme à haut risque de suicide», soulignait un expert dans un rapport de novembre 2022 sur les raisons de ce suicide.
La procédure sur le fond des accusations le visant, close par un non-lieu définitif le 28 août 2023 pour extinction de l’action publique, au vu du décès de Jean-Luc Brunel, a été «émaillée d’innombrables manquements», écrivent les avocats dans un courrier transmis le 15 décembre au garde des Sceaux, évoquant un «désastre judiciaire […] au-delà du profond sentiment d’injustice de Jean-Luc Brunel» qui s’affirmait innocent.
Ils listent plusieurs griefs, parmi lesquels un «déni» par la justice du «haut risque de suicide» de leur client, des délais «anormaux» pour verser au dossier des éléments de l’enquête américaine ou de téléphonie qui étaient mentionnés comme justifiant le maintien en détention provisoire de Jean-Luc Brunel, ou encore des «dysfonctionnements des services d’enquête».
Une enquête menée à Paris portant sur les circonstances de sa mort en détention a été close au printemps dernier sans poursuites. Au cours de l’enquête sur le fond des accusations visant Jean-Luc Brunel, de nombreuses autres femmes avaient dénoncé des viols ou agressions sexuelles, prescrits en raison de leur ancienneté.