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Tout carcéral

Sursis réservé aux primo-délinquants, réforme de l’aménagement des peines… Darmanin dévoile son projet de réforme du système judiciaire

Le ministre de la Justice a détaillé ce lundi les dix articles contenus dans son projet de loi, qu’il souhaiterait présenter en Conseil des ministres cet automne. Une philosophie du «tout carcéral», dénonce le Syndicat de la magistrature.
Gérald Darmanin à la sortie de l'Elysée le 11 juillet. (Thomas Samson/AFP)
publié le 28 juillet 2025 à 21h46

Sursis simple uniquement pour les primo-délinquants, retour sur le principe d’aménagement obligatoire de certaines peines, multiplication des cours criminelles sans jurés : le garde des Sceaux Gérald Darmanin a envoyé lundi aux groupes parlementaires les mesures qu’il compte inscrire dans son projet de réforme du système judiciaire.

Le sursis limité aux peines de deux ans de prison et moins

Lors d’une présentation à la presse lundi, le ministre a détaillé les dix articles de ce projet de loi qu’il souhaite présenter à l’automne en Conseil des ministres, après avoir saisi «en septembre» le Conseil d’Etat pour avis. «Les juges ne sont pas laxistes, mais le système l’est devenu», a déclaré le ministre. «Il n’y a jamais eu autant de peines de prison» et pourtant «une peine sur deux n’est jamais effectuée parce qu’elle est aménagée directement après le prononcé du tribunal».

Dans ce projet, le garde des Sceaux, qui avait annoncé qu’il voulait supprimer le sursis pour le remplacer par une peine de probation, propose finalement de «réserver le sursis simple aux seules personnes au casier judiciaire vierge», autrement dit aux primo-délinquants.

Les personnes ayant déjà une inscription au casier judiciaire ne pourront plus en bénéficier et seront condamnées à une peine. «Vous pouvez être condamné à un bracelet électronique, ce n’est pas forcément de la prison ferme», a précisé Gérald Darmanin. Le sursis ne sera plus possible au-delà de deux ans d’emprisonnement.

Les peines de moins d’un mois de prison ferme rétablies

Le ministre souhaite par ailleurs revenir sur le principe d’aménagement obligatoire des peines d’emprisonnement. Depuis la réforme dite Belloubet de 2020, une peine de prison ferme est aménageable jusqu’à un an. «Les aménagements de peine obligatoires ont poussé les magistrats à augmenter le quantum des peines» pour s’assurer qu’elles soient bien exécutées, a déclaré Gérald Darmanin. «On fabrique de la surpopulation carcérale», a-t-il estimé.

Selon le projet de loi, le juge qui prononcera la peine aura la liberté d’aménager jusqu’à deux années d’emprisonnement prononcées. En revanche, le juge d’application des peines ne pourra ensuite modifier la peine prononcée par la juridiction.

Gérald Darmanin prévoit également de rétablir les peines de moins d’un mois d’emprisonnement ferme, qui avaient été supprimées par l’ex-ministre Nicole Belloubet pour lutter contre la surpopulation en prison, et d’assurer l’incarcération en cas de non-paiement des peines de jours-amendes.

Décriées, les cours criminelles départementales ont la cote

Deux derniers articles concernent la justice criminelle : l’un prévoit l’extension de la procédure de plaider-coupable, aujourd’hui possible pour certains délits, aux crimes, à la condition que la victime soit d’accord. L’autre propose d’étendre la compétence des cours criminelles départementales (CCD) aux faits jugés en appel et aux cas de récidive, dévolus actuellement aux cours d’assises. Le garde des Sceaux souhaite également multiplier le nombre de CCD, aujourd’hui limitées à une par département.

Généralisées en 2023 malgré l’opposition frontale des métiers judiciaires, les CCD devaient permettre de désengorger les cours d’assises en confiant à des magistrats professionnels, et non plus des jurés, le jugement en première instance de crimes punis de quinze ou vingt ans de réclusion, majoritairement des viols. Mais elles sont critiquées pour avoir eu l’effet inverse.

«La philosophie de cette réforme est d’aller plus loin dans le tout carcéral», a commenté auprès de l’AFP Justine Probst, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche), sceptique sur la capacité de cette réforme à enrayer la surpopulation carcérale. «On constate la disparition d’un certain nombre de mécanismes qui permettaient l’individualisation de la peine», a-t-elle aussi déploré.