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Tariq Ramadan : la cour d’appel de Paris renvoie l’islamologue en procès pour viols sur trois femmes

Violences sexuellesdossier
La cour d’appel de Paris renvoie ce dossier très médiatique devant la cour criminelle départementale pour des viols sur trois femmes. Une quatrième plaignante a toutefois été écartée.
Tariq Ramadan le 27 mai 2024, avant le début de son jugement en appel à Genève. (Fabrice Coffrini/AFP)
publié le 27 juin 2024 à 13h38
(mis à jour le 27 juin 2024 à 14h23)

Me Pascal Garbarini pousse un long soupir. Le conseil du théologien Tariq Ramadan, poursuivi pour plusieurs affaires de viols en France et en Suisse, est tendu, déçu. La cour d’appel de Paris a décidé, ce jeudi 27 juin, de renvoyer le prédicateur – qui fut l’une des grandes figures de l’islam européen – devant la cour criminelle départementale pour trois des quatre affaires de viols dans lesquelles il est impliqué dans l’Hexagone.

C’est clairement une défaite pour la défense de Tariq Ramadan. L’avocat général Matthieu Bourrette avait, en effet, requis le non-lieu dans trois des quatre affaires, ne retenant que celle qui concerne celle que la presse a appelée «Christelle», une quadragénaire qui affirme avoir été violée par le théologien, en octobre 2009, dans un hôtel à Lyon (Rhône). «Les éléments qui pèseraient contre M. Tariq Ramadan sont, on le voit, très discutés et très discutables. Les magistrats qui sont habilités à juger cette affaire ont des positions divergentes ; ce qui est assez rare pour le souligner», a commenté Me Garbarini.

«Une gifle à l’institution judiciaire»

De fait, les deux juges d’instruction, en charge du dossier depuis de plus cinq ans, avaient demandé, eux, à ce que le prédicateur soit traduit devant la cour criminelle pour les quatre affaires de viols. Outre celle de Christelle, elles concernent Henda Ayari, militante féministe qui avait déclenché cette affaire, en révélant, en pleine vague #MeToo, à l’automne 2016, les violences sexuelles qu’elle aurait subies, selon elle, de la part de Tariq Ramadan en 2012. La troisième plaignante, une ex-call-girl appelée «Marie» par la presse, affirme avoir subi plusieurs viols entre 2013 et 2014 et la quatrième, N., a été identifiée par la brigade criminelle par l’examen du matériel informatique du prédicateur.

«Pourquoi l’une est écartée et pas les autres ? Personne ne peut comprendre cette décision. […] C’est une gifle qui a été donnée à l’institution judiciaire», s’insurge Me Laure Heinich, l’avocate de trois des quatre plaignantes. Le choix de la cour d’appel, selon elle, ne permettra pas d’examiner «la complexité et la globalité du dossier». «Il s’agit de viols très violents mais aussi complexes à expliquer. C’est pour cela qu’il faut qu’ils soient appréhendés dans leur totalité», a ajouté Me Heinich. «C’est très insatisfaisant au regard de l’actualité du moment sur la question du viol. Il y a un vrai problème sur ce qu’est la conception de ce crime. Nous allons continuer à nous battre», a précisé, de son côté, Me Laura Ben Kemoun, conseil de trois plaignantes.

D’après les éléments donnés par l’avocat de la défense, l’affaire qui a été écartée est celle qui concerne «Marie». En possession de nombreuses photos, vidéos et messages WhatsApp, celle-ci, par son témoignage, avait contraint Tariq Ramadan à reconnaître ses relations extraconjugales, empreintes de violences mais consenties, d’après les dires du théologien. Dans un premier temps, le prédicateur avait nié en bloc chacune des accusations.

Mis au ban des milieux musulmans

Depuis huit ans, l’affaire Ramadan a donné lieu à une intense bataille judiciaire. Les deux parties peuvent l’une et l’autre se pouvoir en cassation de la décision de la cour d’appel. Ce qui retarderait encore la tenue d’un éventuel procès à Paris. En Suisse, le théologien avait été acquitté en première instance, en mai 2023. Le procès en appel a eu lieu, il y a un mois, à Genève et la décision devrait être très prochainement rendue. Le procureur suisse a requis trois ans de prison dont la moitié de ferme.

Figure centrale de l’islam francophone, Tariq Ramadan a été quasiment mis au ban des milieux musulmans après qu’il a reconnu avoir eu des relations adultères. Il a tenté, à plusieurs reprises, de reprendre des conférences mais il n’est plus le bienvenu au sein des mosquées. Récemment, il a entrepris une tournée de conférences à thématique littéraire, tenues dans des endroits privatisés, tels des restaurants.

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