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Libération
Apaisement

Tensions entre Paris et Alger : Laurent Nuñez prend ses distances avec la «méthode brutale» de Bruno Retailleau

Dans une interview au «Parisien», le ministre de l’Intérieur note que le «bras de fer» engagé avec Alger par son prédécesseur en début d’année «n’a pas produit de résultat».

Le ministre de l'Intérieur, Laurent Nuñez, à l'Assemblée nationale, le 28 octobre 2025. (Bertrand Guay/AFP)
Publié le 01/11/2025 à 22h47

Bruno Retailleau a certes quitté le ministère de l’Intérieur, mais son ombre plane toujours. Dans une interview au Parisien samedi 1er novembre, son successeur, Laurent Nuñez, interrogé sur les tensions entre Paris et Alger, a affirmé : «Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution, la seule issue, se trompent. Ça ne marche pas, dans aucun domaine.»

Une référence au patron du parti Les Républicains, engagé dans un rapport de force avec l’Algérie en début d’année ? «Ce n’est pas ce que je dis. Mais je constate en tout cas que ce bras de fer n’a pas produit de résultat», s’est (mollement) défendu le ministre auprès de nos confrères, deux jours après l’adoption à l’Assemblée nationale d’une résolution du RN visant à «dénoncer» l’accord franco-algérien de 1968. «Preuve» de l’inefficacité de cette méthode, «le canal est totalement coupé aujourd’hui avec Alger», a-t-il ajouté.

Depuis sa prise de fonction place Beauvau le mois dernier, Laurent Nuñez n’a pas caché son souhait de rompre avec la méthode Retailleau. «Une rupture dans la forme», avait-il revendiqué sur France Inter, assurant qu’il «ne vise pas à diviser la société» et s’engageant à ce qu’il n’y ait «pas de mots blessants». Le ministre de l’Intérieur a également souligné à plusieurs reprises la nécessité de renouer «le dialogue» avec Alger, mettant en avant les besoins de coopération sécuritaire notamment dans la lutte antijihadiste au Sahel.

Des discussions amorcées en coulisses

Le gel des relations entre la France et l’Algérie se traduit notamment par l’arrêt total de la coopération migratoire, explique Laurent Nuñez au Parisien : «L’Algérie n’accepte plus ses ressortissants en situation irrégulière depuis le printemps dernier.» En 2025, 500 expulsions vers ce pays ont pu avoir lieu à fin octobre, contre 1 400 l’an dernier sur la même période, selon lui. Par conséquent, les centres de rétention administrative «sont occupés à plein» : «40 % des places sont occupées par des ressortissants algériens.»

Le départ du gouvernement du précédent ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure contre Alger, avait permis ces dernières semaines d’amorcer en coulisses des discussions entre la France et l’Algérie. «Le ministre de l’Intérieur algérien m’a récemment écrit pour m’inviter», a d’ailleurs indiqué Laurent Nuñez au Parisien. Mais la secousse provoquée par l’adoption jeudi d’une résolution visant à dénoncer la convention du 27 décembre 1968 entre les deux pays télescope les prémices d’un dialogue.

Le traité, signé six ans après la fin de la guerre d’Algérie, crée un régime d’immigration favorable pour les Algériens, qui n’ont pas besoin de visa spécifique pour rester plus de trois mois dans l’Hexagone et accèdent plus rapidement que les autres étrangers aux titres de séjour pour dix ans, y compris dans le cadre du regroupement familial. Sa dénonciation est réclamée de longue date par la droite et l’extrême droite. «Je regrette les conditions dans lesquelles s’est déroulé ce vote. Nous devons aller vers une coopération apaisée, mais qui doit rester exigeante», a défendu Laurent Nuñez.