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Justice

Tir mortel à Sevran: le policier mis en examen, 300 personnes réunies pour une marche blanche

L’exploitation d’images de vidéosurveillance de la ville d’Aulnay-sous-Bois a permis aux enquêteurs de retracer le déroulement «très rapide» de l’intervention de la BAC samedi dernier.
Avant le départ du cortège au pied de la cité du Gros-Saule à Aulnay-sous-Bois où résident les parents de la victime, la compagne de Jean-Paul Benjamin a appelé «au calme» et demandé en larmes «le respect de sa mémoire», lors d’une brève prise de parole. (Sameer Al-Doumy/AFP)
publié le 1er avril 2022 à 19h45
(mis à jour le 2 avril 2022 à 20h55)

Plusieurs centaines de personnes ont participé samedi à une marche blanche entre Aulnay-sous-Bois et Sevran (Seine-Saint-Denis) en mémoire de Jean-Paul Benjamin, un père de famille guyanais de 33 ans, tué il y a une semaine d’un tir de police lors d’un contrôle routier.

Avant le départ du cortège au pied de la cité du Gros-Saule à Aulnay-sous-Bois où résident les parents de la victime, la compagne de Jean-Paul Benjamin a appelé «au calme» et demandé en larmes «le respect de sa mémoire», lors d’une brève prise de parole.

Les caméras des journalistes n’étaient pas les bienvenues dans les rangs du cortège et certains médias se sont fait expulser par des jeunes du quartier. La famille n’a pas souhaité d’images par «crainte de représailles de la part de policiers», a déclaré Me Arié Alimi, un de leurs avocats.

L’enquête sur les circonstances de la mort de Jean-Paul Benjamin se poursuivra dans le cadre d’une instruction. Cet homme de 33 ans a été tué, samedi 26 mars, par le tir d’un policier de la brigade anticriminalité (BAC) d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), alors qu’il conduisait une camionnette.

Le procureur de la République de Bobigny, Eric Mathais, indiquait vendredi lors d’une déclaration à la presse, qu’il avait requis la mise en examen de l’agent pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner», par arme et par personne dépositaire de l’autorité publique. Soit une infraction criminelle pour laquelle le policier encourt une peine maximale de vingt ans de prison. Ce samedi, le policier a été mis en examen pour ce motif d’infraction, annonce le parquet de Bobigny.

Selon le déroulé des faits présenté par le procureur, la scène débute «aux alentours de 12 h 22» quand les policiers de la BAC décident de «procéder au contrôle d’une personne au volant d’une camionnette signalée volée, alors arrêtée au feu rouge». Une plainte pour vol avait été déposée le jour même. «Jean-Paul avait un différend commercial avec son employeur, qui est un sous-traitant de l’entreprise Amazon et qui refusait de le payer», expliquait à Libération maître Philippe-Henry Honegger, l’un des avocats de la famille de la victime.

Témoignages de policiers

L’exploitation d’images de vidéosurveillance de la ville d’Aulnay-sous-Bois a permis aux enquêteurs de retracer le déroulement «très rapide» de l’intervention de la BAC. «Le policier se positionnait au niveau de la portière arrière gauche, lorsque le conducteur redémarrait. Il armait ensuite son bras et tirait au niveau du véhicule», a déclaré le procureur de la République de Bobigny. Selon l’horodatage des vidéos, il s’écoule seulement trois secondes entre le moment où le policier se positionne au niveau de la porte avant gauche et l’instant du tir.

Selon les témoignages de trois policiers également présents sur les lieux, «dont certains d’entre eux n’avaient pas vu directement les faits», le tireur «semblait avoir crié police» avant de faire feu. Selon nos informations, l’agent était en civil et ne portait pas de brassard. Une douille de 9mm a été retrouvée sur les lieux et un impact de balle relevé sur la partie gauche du camion, à une dizaine de centimètres de la porte du conducteur. «La balle a dû traverser la cloison séparant l’habitacle de la partie fourgon, puis le dossier du siège conducteur», indique le parquet.

La défense n’a pas convaincu le parquet

La garde à vue du tireur a débuté mercredi 30 mars. Lors de ses premières déclarations, l’agent a tout d’abord décrit les circonstances d’un tir accidentel. «Il voyait le conducteur enclencher une vitesse et accélérer fortement. Le fonctionnaire de la BAC se disait déséquilibré et entendait, à ce moment-là, le coup de feu qu’il tirait», a détaillé Eric Mathais. Puis, dans une nouvelle audition, après la prolongation de sa garde à vue, l’agent a finalement affirmé «s’être senti en état de légitime défense de lui-même et des autres piétons présents». Une défense qui n’a pas convaincu le parquet.

Le parquet de Bobigny a également placé l’agent mis en cause sous contrôle judiciaire. Avec notamment l’interdiction d’exercer la profession de policier ou de toute autre en lien avec la sécurité. De leur côté, les avocats de la famille, Arié Alimi, Philippe-Henry Honegger et Steeve Ruben, ont déposé une plainte avec constitution de partie civile pour homicide volontaire. Soit une infraction plus grave que celle retenue pour l’heure par la justice.

«Nous serons particulièrement attentifs à la suite de la procédure et à la qualification qui sera retenue et sur la situation à venir du meurtrier. On ne peut accepter qu’un policier puisse tuer impunément dans notre pays», ont déclaré dans un communiqué les trois avocats. Une «marche en l’honneur de JP» est organisée ce samedi à 11 heures au départ de la place du docteur-Laënnec, à Aulnay-sous-Bois.

Mise à jour à 20 heures 55 avec la marche blanche.