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Chantier

Tour Triangle: la justice ouvre une information judiciaire après une plainte pour favoritisme

Le PNF a nommé un juge d’instruction pour enquêter sur les conditions d’attribution au promoteur Unibail-Rodamco de la concession sur laquelle s’élèvera la tour controversée. Un dossier miné pour Elisabeth Borne et Anne Hidalgo, aux manettes à l’époque.
Chantier de la tour Triangle, près de la porte de Versailles à Paris, en mars. (Caroline Paux /Hans Lucas. AFP)
publié le 20 mai 2022 à 14h02
(mis à jour le 20 mai 2022 à 16h04)

Anne Hidalgo s’en serait bien passé. Le retour aux affaires parisiennes de la candidate malheureuse à la présidentielle n’était déjà pas simple, la maire PS de Paris faisant face à la fronde de ses alliés verts et à des attaques virulentes sur les réseaux sociaux, qui l’ont poussé à reculer sur le dossier d’aménagement des abords de la tour Eiffel. Et voilà que la tour Triangle, projet d’immobilier de bureaux phare de la mandature, dont le chantier avait enfin démarré en janvier malgré les protestations des écologistes et de la droite, est à son tour dans la tourmente. Vendredi, le Parquet national financier (PNF) a annoncé avoir ouvert en mars une information judiciaire sur les conditions d’attribution du nouveau contrat d’exploitation du Parc des expositions de la porte de Versailles, au cœur duquel la pyramide de 180 mètres de haut doit s’élever, confirmant une information du Parisien. Elle fait suite à un signalement à la justice de la maire LR du VIIe arrondissement, Rachida Dati, et à une plainte déposée par l’association anticorruption Anticor, qui avaient donné lieu à l’ouverture d’une enquête préliminaire en juin pour «favoritisme» et «recel de favoritisme».

Opposés à ce qu’ils considèrent comme une «aberration climatique», les élus écologistes parisiens ont réclamé vendredi «la suspension des travaux de la Tour Triangle dans l’attente des conclusions de l’information judiciaire». Mais la Ville de Paris, comme Unibail-Rodamco Westfield, ont assuré avoir respecté les règles de l’appel d’offres, le promoteur assurant pour sa part que cette nouvelle étape judiciaire ne remettait pas en cause le rythme de construction de la tour de 42 étages, qui doit être livrée en 2026.

«Un préjudice non démontré»

L’affaire, qui remonte à 2008, est complexe : le site du parc des expositions appartient à la Ville de Paris, et son exploitation est confiée par concession à la société Viparis, filiale du groupe Unibail-Rodamco. «Le groupe immobilier propose à la municipalité la construction d’une tour Triangle sur le site. Problème : la concession devant s’achever en 2026, les délais sont trop courts pour que la construction et la concession soient rentables pour Unibail», expliquait le Parisien en octobre. La mairie décide alors, contre l’avis de son service juridique, de résilier de façon anticipée le contrat de concession la liant à Viparis et, plutôt que de l’indemniser pour cette résiliation anticipée, accepte que le concessionnaire ne s’acquitte pas du droit d’entrée de 263 millions d’euros demandé aux candidats. C’est cette dispense qui nourrit le soupçon de favoritisme, puisque les candidats n’étaient plus sur un pied d’égalité et que c’est finalement Unibail-Rodamco qui a obtenu le marché. Ce montage avait déjà été dénoncé par un rapport de la chambre régionale des comptes (CRC) en mars 2020. «La Ville de Paris a accepté d’indemniser son concessionnaire pour un préjudice non démontré. Titulaire d’un nouveau contrat qui, de fait, succède au précédent, la société a continué d’exploiter les installations. Elle ne pouvait donc se voir indemnisée», s’étonnaient les magistrats de la CRC.

Des frais évalués à 30 millions d’euros

Autre faveur obtenue par le promoteur, selon le Parisien : la construction de l’immeuble nécessitait d’aménager la parcelle sur laquelle il va être édifié. Les services de la Ville auraient recommandé de laisser Unibail prendre en charge ces frais, évalués à environ 30 millions d’euros. Mais l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë et ses équipes seraient également passés outre cet avis et auraient déboursé la somme.

«Elisabeth Borne sera-t-elle inquiétée ?» Le quotidien régional rappelle que la Première ministre était directrice de l’urbanisme sous la seconde mandature de Bertrand Delanoë (2008-2014) et affirme qu’elle a «longtemps travaillé sur le dossier tour Triangle». De son côté, Anne Hidalgo était adjointe de Delanoë en charge de l’urbanisme au moment où le marché public a été passé. Mercredi, la mairie de Paris a écrit à son ancienne collègue pour la féliciter de sa nomination et lui proposer de la rencontrer pour évoquer ensemble les dossiers parisiens. Gageons que celui-là figurera tout en haut de la pile.

Mise à jour à 16H00 avec la réaction des alliés écologistes et des précisions sur le fond du dossier