Des faits «intolérables» commis par un homme politique ayant «cédé à la facilité et au confort» : quatre ans d’emprisonnement, dont un ferme, ont été requis mercredi contre l’ex-ministre de la Justice Michel Mercier, soupçonné d’avoir octroyé des emplois parlementaires fictifs à son épouse et à sa fille. L’accusation a également appelé à prononcer à l’encontre de Michel Mercier, jugé depuis le 31 octobre pour «détournement de fonds publics» et «prise illégale d’intérêts», une inéligibilité de dix ans, assortie d’une interdiction de toute fonction publique pendant cinq ans et d’une amende de 50 000 euros. Contre son épouse Joëlle et sa fille Delphine, qui comparaissaient avec lui devant la 32e chambre du tribunal judiciaire de Paris pour «recel», des peines de respectivement deux ans avec sursis et 18 mois avec sursis ont été requises.
Michel Mercier a derrière lui une longue carrière politique, qu’il a mené à tous les échelons : maire de Thizy-les-Bourgs entre 1977 et 2001, soit vingt-quatre ans, il a été conseiller départemental du Rhône pendant douze ans avant de devenir président du département, puis député entre 1993 et 1995, sénateur, est nommé ministre de l’espace rural par Sarkozy en 2009, puis ministre de la Justice l’année suivante et jusqu’en 2012. Devant le tribunal, il a nié toute volonté de mal faire mais n’a pas emporté la conviction du Parquet national financier (PNF). Dans un réquisitoire long et sévère, le procureur a appelé mercredi à sanctionner «des faits d’autant plus intolérables qu’ils ont été commis par un homme investi en politique depuis 40 ans». Le magistrat a également dénoncé «les contradictions et le flou artistique le plus total» dans les explications de Michel Mercier, reprochant l’attitude à la barre de ce proche de François Bayrou, «qui opte pour l’esquive et les réponses à contre-courant».
A la barre
Michel Mercier, âgé de 75 ans, est jugé «pour avoir cédé à la facilité, au confort», a encore asséné l’accusation, qui a noté les sommes conséquentes en jeu : près de 450 000 euros d’argent public au total, selon le décompte du PNF, prenant en compte les demandes du Conseil général du Rhône qui estime à 96 000 euros les dépenses engagées par Joëlle Mercier aux frais du département. Car Joëlle Mercier est également poursuivie pour avoir organisé, aux frais de la collectivité, dont son époux était à l’époque le président, des «évènements», allant de cours de cuisine ou d’escrime à des visites culturelles, dont ont bénéficié plusieurs centaines de personnes, en majorité des épouses de notables rhodaniens.
«Particulièrement graves»
Volontiers matois, Michel Mercier s’était présenté à la barre comme un «sénateur d’un milieu rural», à la porte toujours ouverte et qui avait donc besoin de l’assistance de sa famille, au premier de rang sa femme, pour remplir ses fonctions politiques. Les faits reprochés à l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy (2010-2012) s’étendent de 2005 à 2014, époque où les emplois parlementaires familiaux n’étaient pas encore interdits. Ils le sont depuis l’été 2017 et la retentissante affaire Fillon, qui plane au-dessus de ce procès. Durant cette période où les emplois familiaux étaient selon lui «fréquents», Michel Mercier a employé son épouse comme assistante parlementaire alors qu’il était sénateur entre 2005 et 2013, même si celle-ci collaborait en fait avec lui depuis 1999 - des faits aujourd’hui prescrits.
Personne ne semblait savoir, au sein du département du Rhône, que Joëlle Mercier était l’assistante parlementaire de son mari. Sa fille, Delphine, a, elle, été son assistante parlementaire d’août 2012 à avril 2014 alors qu’elle vivait à Londres. Celle-ci menait une «mission de veille» sur les sujets culturels pour son père, a-t-elle expliqué, mais elle n’a pas été en mesure de fournir des traces du travail réalisé pour son père. L’accusation a estimé que «compte tenu de son expérience professionnelle, elle ne pouvait ignorer qu’elle commettait des faits particulièrement graves».
L’enquête a été ouverte en août 2017 après un article du Canard enchaîné et a conduit l’ex-garde des Sceaux à renoncer au siège qui lui était alors promis au Conseil constitutionnel. «Je considère […] que je ne pourrai pas siéger avec la sérénité nécessaire», avait-il déclaré. L’ancien ministre et sénateur reste mis en cause dans un autre dossier d’emplois fictifs. Depuis 2019, il est mis en examen dans l’affaire des assistants d’eurodéputés du MoDem aux côtés d’autres cadres du parti centriste, dont François Bayrou.