L’islamiste radical qui a tué un touriste et blessé deux autres personnes samedi dans la soirée, dans l’ouest de Paris, à deux pas de la Tour Eiffel, a fait allégeance au groupe Etat islamique (EI) dans une vidéo avant son passage à l’acte, a fait savoir ce dimanche 3 décembre au soir le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard. S’exprimant en langue arabe dans cette vidéo, Armand Rajabpour-Miyandoab, un Franco-Iranien de 26 ans, apportait «son soutien aux jihadistes agissant dans différentes zones», a déclaré en conférence de presse le procureur. «Cette vidéo était notamment mise en ligne sur son compte X» (ex-Twitter), ouvert début octobre et qui comportait «de nombreuses publications sur le Hamas, Gaza et plus généralement la Palestine», selon le magistrat.
Profil
Le Français né en 1997 à Neuilly-sur-Seine a été interpellé par la police. Il était «connu pour islamisme radical et troubles psychiatriques», selon une source policière. Trois personnes de l’entourage de l’assaillant, dont certaines appartenant à sa famille, ont également été placées en garde à vue, a fait savoir dimanche soir lors d’une conférence de presse le procureur du Parquet national antiterroriste, Jean-François Ricard. Qui a dévoilé que la mère de l’assaillant avait signalé en octobre son inquiétude sur son fils. Elle avait fait remonter aux autorités que son fils «se repliait sur lui-même», a rapporté Jean-François Ricard. Armand Rajabpour-Miyandoab était fiché pour radicalisation islamiste (FSPRT) après avoir été condamné à cinq ans de prison pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, à la suite d’un projet d’action violente en 2016 dans le quartier d’affaires de la Défense, dans l’ouest de Paris.
Pour autant, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin nie toute faille de surveillance de la part de ses services : «Nous avons été au bout du suivi judiciaire concernant cet individu», a-t-il affirmé ce lundi matin dans une interview au Figaro. Avant d’estimer qu’«il y a incontestablement un sujet de suivi psychiatrique. Entre 25 et 40 % des personnes suivies pour radicalisation sont concernées par des maladies mentales». Le patron de la place Beauvau a ensuite évoqué sur BFTMV un «ratage psychiatrique», puisque «les médecins ont considéré à plusieurs reprises» que l’auteur de l’attaque «allait mieux et pouvait vivre, si j’ose dire, librement». Dimanche soir, sur le plateau du JT de TF1, Gérald Darmanin avait fait part de son souhait que les autorités «puissent demander une injonction de soins» pour une personne radicalisée suivie pour troubles psychiatriques afin de prévenir des passages à l’acte comme celui-ci.
Les faits, samedi, ont commencé peu après 21 heures, dans le XVe arrondissement de la capitale, selon le récit fait par Gérald Darmanin, qui s’est rendu sur les lieux le soir même. Le suspect «aurait porté plusieurs coups de couteau à un homme dans la rue, lequel est décédé de ses blessures», a annoncé le parquet de Paris à Libération. La victime est un touriste de 23 ans avec la double nationalité allemande et philippine, qui était accompagné de sa femme, a déclaré le ministre de l’Intérieur, qui a ajouté que celle-ci n’a pas été attaquée physiquement, mais est extrêmement choquée.
«Il a fait une dinguerie le mec»
Selon Gérald Darmanin, «l’intervention d’un chauffeur de taxi» met fin à cette première partie de l’attaque, et un appel au 17, aux alentours de 21 h 15, déclenche l’arrivée de policiers du XVe arrondissement. Ils poursuivent le suspect sur le pont de Bir-Hakeim, jusqu’au XVIe arrondissement, qui se trouve de l’autre côté de la Seine. Le suspect a alors eu le temps d’agresser, avec un marteau, deux autres personnes, «dont la vie ne serait pas en danger», précise le ministre. Les blessés sont une personne britannique de 66 ans et une personne française de 60 ans. Ils sont hors de danger, a fait savoir ce dimanche le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. «Les deux personnes blessées dans la deuxième phase d’attaque, avec un marteau de ce terroriste, sont aujourd’hui en bonne santé, a-t-il souligné sur France 3. Et d’ajouter : «Elles ont eu des traumatismes superficiels, mais évidemment des traumatismes psychologiques qui vont être immenses, comme les personnes qui accompagnaient la victime qui est malheureusement décédée d’un coup de couteau.»
Dans une vidéo authentifiée par Libération et tournée avenue du Président Kennedy, le suspect, habillé intégralement en noir, portant gants et bonnet, tient dans la main droite ce qui pourrait être une arme blanche. Il fait face à un binôme de policiers qui le mettent en joue. L’homme recule, s’engage dans l’avenue du parc de Passy, suivi par les fonctionnaires. D’après d’autres images, diffusées par CNews, une voiture de police arrive dans cette impasse, et un troisième policier commence à braquer le suspect, qui continue de reculer jusqu’à l’entrée du parc de Passy. L’homme qui filme commente alors : «Il a fait une dinguerie le mec […] il a pété le visage à un mec en passant.» Le parquet de Paris a d’abord confié une enquête à la brigade criminelle pour assassinat et tentatives d’assassinat. Mais après minuit, le parquet national antiterroriste (Pnat) se saisissait de l’enquête.
Réactions
Suivi par la DGSI
Le suspect a crié «Allah Akbar» à plusieurs reprises, d’après le ministre, et déclaré aux policiers qu’il ne supportait pas que des musulmans soient tués dans le monde. Il avait été condamné en 2018 à quatre années de prison pour avoir «voulu passer à l’action violente», a poursuivi Gérald Darmanin. Puis était «sorti de prison en 2020 et suivi administrativement par la DGSI», a indiqué le locataire de la place Beauvau, qui a ajouté que l’assaillant souffrait de «troubles psychologiques» et était «sous traitement».
Elisabeth Borne a adressé ses «pensées […] à la victime, aux blessés et à leurs proches». «Nous ne céderons rien face au terrorisme. Jamais», a-t-elle dit sur X (précédemment Twitter). Une réunion sécuritaire devait se tenir ce dimanche 3 décembre après-midi à Matignon autour de la Première ministre à la demande d’Emmanuel Macron. Etaient convoqués à ce rendez-vous les ministres de l’Intérieur, Gérald Darmanin, de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et de la Santé, Aurélien Rousseau. Dans la matinée, le chef de l’Etat s’était également entretenu avec sa Première ministre, Darmanin et le directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), Nicolas Lerner.
J’adresse toutes mes condoléances à la famille et aux proches du ressortissant allemand décédé ce soir lors de l’attaque terroriste survenue à Paris et pense avec émotion aux personnes actuellement blessées et prises en charge.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) December 3, 2023
Mes plus sincères remerciements aux forces de…
Plus tard dans la nuit, Emmanuel Macron a adressé ses «condoléances à la famille et aux proches du ressortissant allemand décédé ce soir». Dans un post sur X, le chef de l’Etat a dit «penser avec émotion aux personnes actuellement blessées et prises en charge» et a remercié les «forces de secours qui ont permis d’interpeller un suspect avec célérité».
«Le Parquet national antiterroriste désormais saisi aura la charge de faire toute la lumière sur cette affaire pour que justice soit rendue au nom du peuple Français», a-t-il ajouté. L’assaillant fait désormais face aux enquêteurs, qui vont se pencher sur le suivi médical de l’auteur, un homme au «profil très instable, très influençable», selon une source sécuritaire. «Est-ce qu’il était suivi médicalement comme il aurait dû l’être et comme il l’a été un temps, c’est une question qui se posera», indique également une source policière.
Mise à jour : lundi 4 décembre à 8 h 58, avec l’ajout des déclarations de Gérald Darmanin sur BFMTV