Un coup de fil pour le moins inattendu. Dans la soirée du 21 avril, la police et la gendarmerie des Bouches-du-Rhône reçoivent plusieurs appels anonymes au sujet du braquage, réalisé quelques minutes plus tôt dans une station-service de Vitrolles, d’un camion et de sa marchandise. Les détails sont précis et permettent de retrouver en quelques heures le véhicule dérobé dans un entrepôt, près de Lyon. En ouvrant les portes du fourgon, les forces de l’ordre tombent sur la précieuse cargaison ayant suscité l’inquiétude des informateurs au point de contacter les policiers. Devant leurs yeux ébahis, neuf tonnes de résine de cannabis.

«C’est ce qu’on appelle un coup de carotte dans le jargon des narcotrafiquants, explique auprès de Paris Match un policier spécialisé dans la lutte contre le trafic de drogue. Des vols de drogue entre trafiquants, c’est monnaie courante mais jamais d’une telle ampleur.» Selon les premiers éléments de l’enquête, le camion venait d’Espagne avec son lourd chargement. Assailli entre 21 heures et 22 heures par plusieurs individus visiblement bien informés, le chauffeur du poids lourd, impuissant, n’a pas d’autre choix que de leur livrer le véhicule et la marchandise, qui se sont ensuite dirigés vers le nord.

Mais les trafiquants floués ne comptent pas leur laisser l’usufruit de toute cette drogue, estimée à 27 millions d’euros. La direction générale de gendarmerie nationale précise auprès de Libération que la valeur marchande, donc le manque à gagner pour l’organisation, s’élève lui à 72 millions d’euros. L’alerte est donnée aux policiers. Les mercantis leur fournissent même des coordonnées GPS précises, le poids lourd et la marchandise étant pourvus de balises GPS. Permettant de remonter le parcours emprunté par les voleurs et de mettre la main, en quelques heures, sur le butin dans un village de la banlieue lyonnaise. D’après les informations de Paris Match et de France Info, au moins deux personnes ont été interpellées et placées en garde à vue, soupçonnées d’être à l’origine du vol de cannabis. Elles ont depuis été remises en liberté. Les trafiquants floués, eux, n’ont pas été identifiés.

Si leur riposte semble avoir fonctionné, il n’est pas impossible que les voleurs aient emporté une partie de la cargaison. «On peut imaginer que ce camion transportait un peu plus de neuf tonnes de cannabis, affirme une source policière au magazine. Cela veut dire que les voleurs sont parvenus à dispatcher une partie de la drogue dérobée. Sur ce coup-là, il y a plusieurs équipes de trafiquants qui ont perdu pas mal d’argent.»

Cette saisie de cannabis est l’une des plus importantes réalisée en France. En mai 2019, 11 tonnes de résine de cannabis avaient été saisies dans la région de Besançon, lors de l’interception de plusieurs véhicules dont un poids lourd sur l’autoroute A36 en direction de Paris. La plus importante date de février 1999, avec la saisie de 23,5 tonnes de résine de cannabis dans la Manche à bord d’un chalutier battant pavillon letton, le Nemo, par les douaniers français de Boulogne-sur-Mer.

Compte tenu de l’ampleur de cette affaire, le parquet local s’est dessaisi au profit de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco), qui a confié les investigations à l’Ofast, l’office dédié à la lutte contre le trafic de drogue, la police judiciaire de Lyon et la section de recherches de la gendarmerie de Lyon.