Un élève suspecté d’avoir poignardé une assistante d’éducation devant un collège de Haute-Marne a été arrêté, ce mardi 10 juin au matin. La victime a succombé à ses blessures. Aucun mobile n’a pour le moment été défini, le passage à l’acte étant d’autant plus sidérant que le collégien n’avait aucun antécédent judiciaire. Libé fait le point.
Que s’est-il passé ?
Les faits se sont déroulés durant un contrôle de sacs aléatoire, tel que mis en place depuis plusieurs semaines. Des gendarmes étaient présents ce mardi matin, peu avant 8 heures, devant le collège Françoise-Dolto, à Nogent (Haute-Marne) afin de fouiller les affaires des élèves. C’est à ce moment-là qu’un collégien agresse «par plusieurs coups de couteau» une assistante d’éducation (AED) de 31 ans présente sur place pour accueillir les jeunes, a précisé le rectorat. La victime n’a «malheureusement pas survécu à ses blessures». Un gendarme aurait également été blessé.
Le suspect a été immédiatement maîtrisé par les gendarmes présents, arrêté et placé en garde à vue, prolongée mercredi 11 juin dans la matinée. De nombreux élèves étaient sur place au moment de faits, en attente de la fouille de leur sac. «Les jeunes sont naturellement très choqués. Beaucoup ont été témoins de cette scène extrêmement violente», a rapporté la ministre de l’Education nationale, Elisabeth Borne, depuis le lieu des faits.
La surveillante, ancienne coiffeuse qui travaillait au collège depuis septembre, était mère d’un petit garçon, selon Aurore, l’une de ses cousines. «C’était quelqu’un de très souriant, très gentil, la douceur incarnée, Mélanie», a-t-elle témoigné, déposant une rose devant l’établissement. «Notre collègue […] faisait simplement son métier en accueillant les élèves à l’entrée de l’établissement», a souligné Elisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du syndicat SE-Unsa, estimant que «tout ne sera jamais sécurisable et c’est bien sur la prévention que la réflexion doit être menée».
Un point presse est prévu mercredi à 17 heures pour apporter davantage d’informations sur l’avancée de l’enquête, a indiqué le procureur de la République de Chaumont, Denis Devallois. D’après les médias locaux, elle a été confiée aux gendarmes des brigades de recherche de Chaumont et de Reims.
Quel est le profil de l’auteur de l’agression ?
Outre la violence des faits, le profil de l’élève sidère ses camarades et professeurs. L’auteur présumé des faits est un collégien de 14 ans, inscrit à Françoise-Dolto. Il ne possède aucun antécédent judiciaire, selon le procureur de la République. Au quotidien, le jeune homme «ne présentait pas de difficultés particulières», ajoute Elisabeth Borne. Questionnée sur le profil de l’élève, elle précise qu’il vient d’une famille «dont les deux parents travaillent».
A l’école, le collégien est «très intégré» et «un référent de l’équipe de lutte contre le harcèlement». La ministre affirme que les jeunes «sont choqués qu’un de leurs camarades ait pu commettre un acte aussi effroyable», tandis que les professeurs sont «totalement sidérés». En début d’année scolaire, cet élève avait «fait l’objet de deux exclusions temporaires pour perturbation de la classe» mais depuis le mois de novembre, ces enseignants ont confirmé qu’il n’y avait «pas du tout de difficulté» avec lui.
Quelles sont les réactions ?
Au niveau local, les 324 élèves de l’établissement ont été immédiatement confinés et ne peuvent sortir qu’en présence de leurs parents, venus les chercher. Les cours ont été suspendus pour la journée ainsi que celle de mercredi. Ils devraient reprendre jeudi, avec une modalité d’accueil spécifique en cours d’élaboration. Une cellule de soutien psychologique a également été mise en place pour les élèves, le personnel du collège et les familles qui en ont besoin, indique Elisabeth Borne, et elle le restera «dans les prochains jours pour répondre à cette inquiétude qu’expriment les jeunes».
Au niveau national, la ministre de l’Education a d’ores et déjà promis une «réponse globale» face à ces agissements, notamment par le biais d’une «meilleure régulation de la vente de ces armes blanches». «Naturellement, on doit agir aussi sur la santé mentale», a poursuivi Elisabeth Borne. Elle réclame qu’un protocole de repérage et de prise en charge des jeunes «qui peuvent avoir des problèmes psychologiques ou psychiatriques» soit effectué dans chaque établissement scolaire. Que ces élèves signalés puissent bénéficier d’une «priorité pour la prise en charge dans les centres médico-psychologiques». Et que ceux en possession d’une arme blanche soient systématiquement soumis à un conseil de discipline. Enfin, la ministre de l’Education estime qu’il faut aussi «agir pour prévenir de l’usage excessif des écrans et des réseaux sociaux parce que c’est bien souvent aussi ce qui peut conduire à des comportements violents, un peu déréalisés, de la part de nos jeunes».
D’autres annonces devraient être réalisées par le Premier ministre François Bayrou, invité au JT de 20 heures, ce mardi soir, sur TF1. Ce dernier a déjà réagi sur les réseaux sociaux : «La menace des armes blanches chez nos enfants est devenue critique» et «il nous revient de faire de ce fléau répandu partout, un ennemi public». A l’Assemblée nationale, il a ajouté que le drame de Nogent n’était «pas seulement un fait isolé» mais «une dérive de la société». Les députés ont observé une minute de silence en hommage à l’assistante d’éducation mais également pour un autre drame survenu le même jour, dans l’Aisne, où deux pompiers ont été retrouvés morts ensevelis sous les décombres d’un immeuble.
Le Président a également réagi. «Alors qu’elle veillait sur nos enfants à Nogent, une assistante d’éducation a perdu la vie, victime d’un déferlement de violence insensé, a écrit Emmanuel Macron sur X en fin de matinée. Tous, nous sommes aux côtés de sa famille, de ses proches, de ses collègues et de l’ensemble de la communauté éducative. La nation est en deuil et le gouvernement mobilisé pour faire reculer le crime.» De la gauche à l’extrême droite, ce drame a également suscité de vives réactions.
Pourquoi y avait-il un contrôle des sacs ?
Ce contrôle était «prévu de longue date» conjointement avec la gendarmerie, «dans le cadre de la circulaire Retailleau-Borne», a précisé le rectorat. Des premières fouilles avaient été effectuées il y a quelques semaines à Françoise-Dolto sans qu’«aucun couteau» n’ait été récupéré, précise Elisabeth Borne. Le ministère de l’Education nationale a indiqué qu’entre le 26 mars et le 26 mai, 6 000 contrôles ont entraîné la saisie de 186 couteaux, et 587 conseils de discipline ont eu lieu au total pour détention de couteaux.
Des contrôles aléatoires de sacs dans les établissements scolaires ont été mis en place après une rixe provoquant la mort d’un jeune de 17 ans devant un lycée de l’Essonne en mars. Les ministres de l’Education et de l’Intérieur avaient alors promis davantage de «dissuasion et de sanctions» aux abords des établissements scolaires après la «longue litanie» de rixes mortelles. Fin avril, le ministère de l’Education nationale avait indiqué que 958 contrôles aléatoires de sacs dans les établissements avaient permis la saisie de 94 armes blanches, depuis mars.
Cette affaire intervient également un mois et demi après la mort d’une lycéenne de 15 ans à Nantes, poignardée à 57 reprises par un autre élève de 16 ans au sein de l’établissement privé où ils étaient scolarisés. L’agresseur, hospitalisé en psychiatrie après son interpellation, avait en outre fait trois blessés dans une autre salle.
Mise à jour mercredi 11 juin à 12h12 après la prolongation de la garde à vue du suspect.