Les couloirs du ministère de la Justice suintent d’inquiétude. Depuis l’annonce, le 9 juin, de la dissolution de l’Assemblée nationale, «tout a changé», soutient, très éprouvée, une magistrate de l’administration centrale. Tenue à un devoir de réserve lié à sa fonction, elle ne peut témoigner en son nom, comme tous les autres interlocuteurs interrogés, hors élus syndicaux. «Nombreux sont ceux qui réfléchissent à une stratégie pour quitter la Chancellerie en cas d’accession au pouvoir du Rassemblement national. On en parle tout le temps», raconte cette adhérente du Syndicat de la magistrature (SM), classé à gauche. Jamais elle n’aurait imaginé, en prenant son poste, être susceptible de travailler, un jour, au service d’un garde des Sceaux d’extrême droite. Mais les élections législatives anticipées convoquées par Emmanuel Macron et les résultats de ce premier tour, donnant le RN largement en tête, menacent de faire basculer ce scénario dystopique dans le champ de la réalité. Et la fonctionnaire de poursuivre : «Je suis devenue magistrate pour pouvoir protéger les libertés individuelles des citoyens. Si je reste en poste au ministère dans un gouvernement d’extrême droite, j’ai le sentiment que je ne serai plus en mesure de le faire.»
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