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Libération
Urgent d'attendre

Un procès ne peut être annulé pour délai déraisonnable d’enquête, tranche la justice

Dans un arrêt très attendu, la Cour de cassation, plus haute juridiction française a estimé que la durée excessive d’une procédure ne pouvait justifier à elle seule son annulation.
Le tribunal correctionnel de Nanterre, puis la cour d’appel de Versailles, avaient annulé la procédure d'une affaire après vingt ans d'enquête. (Magali Cohen /Hans Lucas. AFP)
publié le 9 novembre 2022 à 15h57

Les magistrats ne peuvent pas annuler un procès au motif que l’enquête qui l’a précédé a traîné en longueur. La Cour de cassation, plus haute juridiction française, a cassé ce mercredi l’annulation du procès dit de «la chaufferie de la Défense», une vaste affaire de corruption à Puteaux qui devait être jugée en janvier 2021 au terme de vingt années d’enquête.

Avant que la Cour de cassation ne soit saisie, le tribunal correctionnel de Nanterre, puis la cour d’appel de Versailles, avaient annulé la procédure, donnant raison aux avocats de la défense qui plaidaient la violation du «délai raisonnable».

«La durée excessive d’une procédure pénale ne justifie pas à elle seule son annulation», et «ne porte pas, en soi, atteinte aux droits de la défense», a au contraire estimé la Cour de cassation, précisant d’emblée que cette lenteur pouvait malgré tout «avoir des conséquences sur la valeur des preuves ainsi que sur le choix de la peine.»

Ainsi, les juges du quai de l’Horloge renvoient le dossier devant la cour d’appel de Versailles. Peu importe qu’un prévenu soit décédé, qu’un autre souffre de la maladie de Parkinson et qu’un troisième soit presque centenaire. L’affaire de «la chaufferie de la Défense», aussi ancienne soit-elle, sera bien jugée.

«Garanties»

A l’instar du parquet général qui avait contesté les décisions d’annulation, la Cour de cassation a rappelé que les parties disposaient «de garanties» pour permettre la tenue d’un procès équitable, même en cas de dépassement du délai raisonnable. Les parties «peuvent influer elles-mêmes sur la durée de la procédure, en demandant que des investigations soient menées ou que l’information judiciaire soit clôturée», a souligné la Cour. «Elles peuvent obtenir réparation en engageant la responsabilité de l’État au titre d’un fonctionnement défectueux du service public de la justice», a-t-elle poursuivi.

«La Cour de cassation dit aux magistrats qu’il faut aller à marche forcée au procès», regrette Me Patrice Spinosi, avocat près de l’instance de deux prévenus dans l’affaire de la chaufferie. «La Cour de cassation n’a pas entendu le cri d’alarme des juridictions pénales», a-t-il déploré. Depuis le cas devenu emblématique de la chaufferie, une demi-douzaine de jugements d’annulation ont été rendus. Presque tous frappés d’appel, ils étaient suspendus cet l’arrêt de la Cour.