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Libération
Reportage

Var : Puget-sur-Argens, une ville endeuillée après le meurtre de Hichem Miraoui

Dans la commune où vivait le coiffeur tunisien tué samedi 31 mai, proches et riverains bouleversés se souviennent d’un homme sociable, serviable et avenant. Une marche blanche est prévue dimanche pour honorer sa mémoire.
Des fleurs déposées près du salon de coiffure où travaillait Hichem Miraoui, à Puget-sur-Argens (Var), le 3 juin 2025. (Laurent Carre /Libération)
par Mathilde Frénois, Envoyée spéciale à Puget-sur-Argens (Var)
publié le 3 juin 2025 à 21h02

A Puget-sur-Argens (Var), il n’était pas possible de remonter la rue du Général-de-Gaulle sans croiser Hichem Miraoui. C’est Nabil qui entre dans le salon de coiffure pour une coupe au cordeau, c’est Héloïse qui l’observe sortir la cage du canari chaque matin, c’est Jaudon qui échangeait les trois mêmes mots sur le chemin du travail, c’est Guillemette qui dégustait ses petits plats. Tous racontent sa personnalité sociable du coiffeur tunisien tué samedi soir. Christophe B., son voisin, a revendiqué son crime dans des vidéos aux airs de manifeste raciste. Dans la rue aux volets azurés, Hichem Miraoui ne coupera plus les cheveux et ne sortira plus l’oiseau. Il avait 45 ans.

Le salon de coiffure est resté fermé ce mardi 3 juin. Des roses rouges et blanches, des petits mots s’accumulent sur la devanture. Wahbi tente de contenir ses larmes. Lui, le patron du salon de coiffure, connaît Hichem Miraoui «depuis le bled» : «Il a grandi à Kairouan en Tunisie. Ça fait quatorze ans qu’il est arrivé en France et il travaille ici depuis sept ans, compte-t-il. C’est un bon coiffeur, un bon bosseur.» Des petits mots fleurissent entre les pétales. Les clients félicitent le perfectionnisme du quadra, saluant ses «coupes de cheveux professionnelles». Et entouré de cœurs : «Je garderai ta brosse à vie.»

«Il me disait que son voisin était raciste»

Il y a sept mois, Hichem Miraoui avait emménagé dans le mini-quartier quadrillé des Meissugues, à cinq minutes en voiture du salon de coiffure. C’est à l’arrière des carrosseries de Puget-sur-Argens qu’il louait pour 700 euros un local commercial loin du charme provençal. Depuis sa mort, son «box n°4» est placé sous scellés. «Il me disait que son voisin était raciste, assure le patron Wahbi. Quand il faisait à manger, souvent du couscous, son voisin râlait parce que ça ne sentait pas bon.»

Hichem Miraoui n’était pas seulement le coiffeur de la rue du Général-de-Gaulle. Il était aussi le maître d’une adorable chatte noire. «Mademoiselle Nala l’attendait après le travail et lui chopait les jambes», s’amuse Guillemette, regard embué derrière ses lunettes dorées. Elle est l’ancienne voisine de Hichem Miraoui, quand il habitait encore dans la vieille ville. Elle en bas des escaliers, lui en haut. Elle «recevai[t] du couscous» quand il se mettait à cuisiner, elle «demandai[t] de baisser le son» quand la musique s’emballait, elle lui disait «d’arrêter de fumer» quand il buvait son thé. «Quand quelqu’un meurt, on dit toujours qu’il a plein de qualités. Mais lui c’était vrai, répète Guillemette. Il me faisait toujours coucou quand je passais en voiture. Je regrette qu’il ne m’ait pas dit qu’il avait des problèmes.»

Une marche blanche dimanche

L’oiseau en cage continue de piaffer à l’intérieur du salon de coiffure. Les quatre chaises restent face aux miroirs, sans clients. Le coiffeur d’en face (la rue du Général-de-Gaulle en compte cinq) est aussi exceptionnellement fermé. Le deuil enserre l’ocre des façades. Héloïse traverse régulièrement la rue pour remettre de l’eau aux fleurs qui ont chaud, ajouter des vases colorés au fur et à mesure que les bouquets sont déposés. Elle a organisé une cagnotte avec les commerçants pour acheter une gerbe.

La femme habite juste en face du salon. Elle raconte que Hichem Miraoui «avait peur des chiens» et «caressait [son] chiot» du bout des doigts. Elle se souvient d’un coiffeur qui travaillait six jours sur sept et qui se garait à scooter. Elle gardera en mémoire «quelqu’un de très serviable qui appelait ses potes pour aider à porter les lourds colis du livreur». Les voisines Héloïse et Guillemette sont «sur le coup» pour récupérer le chat Nala qu’aimait tant Hichem Miraoui. C’est leur manière de se souvenir. Dimanche, les habitants de Puget-sur-Argens organiseront une marche blanche en sa mémoire.