Après ses ministres ces dernières heures, c’est cette fois Emmanuel Macron en personne qui réagit ce mercredi 16 avril dans l’après-midi aux nouvelles attaques autour des prisons. «Certains cherchent à intimider nos personnels pénitentiaires et s’attaquent avec une violence inadmissible aux établissements. Ils seront retrouvés, jugés et punis», a assuré le président de la République dans un message publié sur X. Il par ailleurs affirmé son soutien et «celui de la Nation» aux personnels pénitentiaires, qui «accompli[ssent] une mission essentielle de défense de l’État de droit et de la paix publique, avec courage et dévouement».
Plus tôt dans la matinée, le ministre de la Justice avait évoqué une tentative de «déstabilisation». Sur le plateau de CNews, Gérald Darmanin a déclaré : «Il y a manifestement des gens qui tentent de déstabiliser l’Etat en l’intimidant. […] C’est une intimidation grave et on essaie de voir si l’Etat va reculer.»
Quatre véhicules incendiés dans les Bouches-du-Rhône et un domicile ciblé
Quelques heures auparavant, au moins quatre véhicules apparentant à des membres du personnel pénitentiaire des Bouches-du-Rhône étaient incendiés. Le hall d’immeuble d’une de leur collègue de Seine-et-Marne a également été visé par des tags siglés «DDPF» – pour «Défense des droits des prisonniers français», nom d’un mystérieux groupe Telegram – et par un départ de feu. Depuis dimanche, des prisons sont prises pour cibles dans toute la France et le Parquet national antiterroriste (Pnat) a été saisi.
A Tarascon, trois véhicules stationnés à proximité d’un centre de détention ont été brûlés vers 5 h 20, selon le procureur de la République de la ville des Bouches-du-Rhône. Ils étaient stationnés dans un parking «isolé, réservé aux personnels, grillagé et à l’accès sécurisé par un digicode». Laurent Gumbau précise que la première voiture appartenait à un agent de la prison en service, la deuxième à une entreprise intervenant au centre de détention, et que le propriétaire de la troisième, totalement détruite, n’a pas encore été identifié. Toujours d’après cette source, au moins deux départs de feu ont été répertoriés et aucune inscription n’a été retrouvée sur les lieux a priori.
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A quelque 80 kilomètres au sud-est de Tarascon, un quatrième véhicule a, lui aussi, été enflammé dans la nuit. Selon Jessy Zagari, le délégué régional FO Pénitentiaire dans la région Paca, il appartient à un surveillant de la prison d’Aix-Luynes et a été brûlé devant son domicile. Depuis dimanche au moins 21 véhicules ont été tagués et ou incendiés, selon une source policière.
Ces nouveaux incidents ont eu lui au lendemain de plusieurs attaques coordonnées contre des établissements pénitentiaires en France. Ils ont été inclus dans la saisine du parquet national antiterroriste, qui s’est saisi mardi de l’enquête pour tenter d’identifier les auteurs des attaques. Depuis dimanche, elles concernent principalement des incendies de véhicules, mais aussi des tirs à l’arme automatique, qui n’ont pas fait de victime, comme à la prison de Toulon-La Farlède (Var).
Le hall d’immeuble d’une surveillante pris pour cible en Seine-et-Marne
A Villenoy, dans le nord de la Seine-et-Marne, c’est un hall d’immeuble où réside une surveillante pénitentiaire qui a été visé, selon une source policière à Libération. Un début de feu s’est déclaré dans la cage d’escalier du bâtiment et la surveillante travaille au centre pénitentiaire de Meaux-Chauconin-Neufmontiers. Contacté par Libération, le parquet de Meaux renvoie vers le Pnat. Selon la source policière, une inscription «DDPF» a par ailleurs été découverte sur un mur de cet immeuble.
Plusieurs tags semblables ont été découverts lors de précédentes attaques. Ils signifieraient «défense des droits des prisonniers français», du nom d’un groupe Telegram récemment créé, qui se présente comme «un mouvement dédié à dénoncer les atteintes [aux] droits fondamentaux» des détenus, arguant que «depuis quelques années, une majorité des surveillants humilie, insulte et violente les personnes détenues». Les auteurs des messages soutiennent que leur groupe est amené à se déployer «dans toute la France».
Plusieurs vidéos publiées sur ce canal Telegram ont été supprimées ce mercredi par des modérateurs de la plateforme. Cette dernière a assuré dans un communiqué que «la publication d’appels à la violence et de menaces est explicitement interdite par les conditions d’utilisation». Un des fichiers vidéo montrait par exemple un agent pénitentiaire en uniforme, sortant d’une voiture, ainsi qu’une boîte aux lettres étiquetée au nom de son propriétaire.
Ces menaces interviennent près d’un an après la mort de deux agents pénitentiaires lors de l’évasion sanglante de Mohamed Amra, mais aussi après plusieurs agressions de surveillants, parfois à leur domicile.
Un homme interpellé en Essonne
Ce mercredi, le parquet d’Evry a annoncé l’interpellation la veille d’un homme dans l’Essonne. Il est soupçonné d’avoir relayé sur Telegram un message incitant à commettre des dégradations, mais il n’est pas suspecté à ce stade d’être lié au mystérieux groupe «DDPF».
Emmanuel Baudin, secrétaire général du syndicat FO-Justice, évoque auprès de l’AFP «la crainte de mouvements collectifs à l’intérieur des établissements». «On nous a dit que c’était l’ultragauche, on nous a dit que c’était le narco, ou pourquoi pas une manipulation étrangère : qui organise tout ça, ce n’est pas pour nous la priorité», estime de son côté le secrétaire national de l’Ufap Unsa Justice, Wilfried Fonck. Il dénonce un «mode opératoire qui atteint ‘‘un autre niveau’’», avec «la volonté de mettre directement les agents dans un climat de terreur et d’insécurité».
Mise à jour : ce mercredi 16 avril à 16 h 34, avec l’ajout des déclarations d’Emmanuel Macron.