A l’instar du procès de Cédric Jubillar, condamné vendredi à 30 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de sa compagne Delphine, des procès pour féminicide peuvent avoir lieu malgré l’absence de cadavre et sans que l’accusé reconnaisse les faits. Ces dernières décennies, plusieurs affaires aux mêmes caractéristiques ont animé la chronique, avec des issues diverses.
Narumi Kurosaki : deux condamnations cassées, troisième procès en 2026
Narumi Kurosaki, une étudiante japonaise, disparaît en 2016 à Besançon. Les enquêteurs orientent rapidement leurs recherches vers le Chilien Nicolas Zepeda, son ancien petit ami, avec qui elle avait dîné la veille de sa disparition.
A l’issue d’un procès en appel hors normes, organisé durant presque trois semaines en trois langues, avec des témoins entendus depuis le Chili, le Japon et le Royaume-Uni, Nicolas Zepeda, qui nie farouchement toute implication, est condamné en 2023, à 28 ans de réclusion. La même peine que celle prononcée en première instance.
Mais la Cour de cassation annule le verdict le 26 février car un des enquêteurs dans sa déposition avait utilisé des projections de documents non communiquées au préalable aux avocats de la défense. Nicolas Zepeda sera jugé une troisième fois du 17 mars au 3 avril 2026 devant les assises à Lyon.
Suzanne Viguier : double acquittement
Suzanne Viguier, professeure de danse de 38 ans, disparaît en 2000 à Toulouse. Son amant est le dernier à l’avoir vue vivante, à l’aube, quand il l’a raccompagnée au domicile conjugal. Rapidement soupçonné, son mari Jacques Viguier, professeur d’université, est jugé pour meurtre. Il est acquitté en 2009 à Douai, puis en appel un an plus tard à Albi en 2010. Présent sur place, Libération avait suivi le procès en appel au cours duquel l’amant de la disparue, Olivier Durandet, avait été cuisiné par la défense pour son acharnement à prouver, en lien avec les enquêteurs, que l’universitaire était coupable. Dans son livre Innocent, Jacques Viguier est revenu sur «10 ans de souffrance et de combat», le sous-titre de l’ouvrage.
Un film, Une intime conviction, a été tiré de cette affaire, avec Marina Foïs et Olivier Gourmet dans le rôle de l’un des avocats du mari, Eric Dupond-Moretti, ancien ministre de la Justice.
Nadine Chabert : condamnation puis acquittement
Le 10 juin 2003, Nadine Chabert, 34 ans, en instance de divorce, ne se présente pas à l’audience de conciliation. Elle avait prévenu la société de réinsertion à Istres, où elle travaillait, qu’en cas d’absence, il faudrait avertir la police et chercher du côté de son mari.
Ce dernier, Patrick Chabert, soutient, ainsi que sa fille et la mère de la disparue, la thèse d’un départ volontaire dans une secte. Condamné en septembre 2010 à 20 ans de réclusion criminelle, Patrick Chabert a été acquitté le 20 décembre 2011 en appel. En 2013, la cour d’Aix-en-Provence a jugé irrecevable la plainte pour enlèvement et séquestration déposée par Emilie Chabert et Hélène Perez, respectivement fille et mère de Nadine Chabert.
Martine Escadeillas, condamnation puis suicide de l’accusé avant son procès en appel
Le 8 décembre 1986, Martine Escadeillas, alors âgée de 24 ans, disparaît à Ramonville, dans la périphérie de Toulouse. Joël Bourgeon, un ami et admirateur de la disparue est arrêté à Lyon en 2019, plus de 32 ans après la disparition, après avoir été mis en cause dans la lettre d’une amie de la victime. Pendant la garde à vue à Toulouse, il avoue le meurtre sans préciser où se trouve le corps, mais donne aux gendarmes, selon l’accusation, des détails que seul le meurtrier pouvait connaître. Il admet aussi qu’il était à l’époque secrètement amoureux de sa victime. Une semaine plus tard, il se rétracte.
Joël Bourgeon sera condamné en juillet 2022 par la cour d’Assises de Haute-Garonne à 20 ans de réclusion criminelle, avant de faire appel. Prévu au printemps 2024 devant les assises de Montauban, celui-ci n’aura pas lieu. L’accusé s’est suicidé par pendaison dans sa cellule, le 26 janvier 2024.