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Décryptage

Viol à caractère antisémite d’une fille de 12 ans à Courbevoie : ce que l’on sait de l’affaire

Trois jeunes garçons mineurs, âgés de 12 et 13 ans, ont été mis en examen mardi 18 juin pour avoir commis un viol à caractère antisémite sur une fille de 12 ans, à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine. Cette affaire a suscité l’indignation des leaders politiques, qui dénoncent un «crime odieux» et un «horrible viol antisémite».
Le square Regnault, d'où la jeune fille a été emmenée de force par ses agresseurs. (Cha Gonzalez/Libération)
publié le 19 juin 2024 à 16h53

Elle dit avoir été traitée de «sale juive» par ses agresseurs. Les circonstances du viol et des violences dénoncés par une jeune fille de 12 ans à Courbevoie (Hauts-de-Seine) se précisent ce mercredi 19 juin, après la mise en examen et le placement en détention de deux adolescents de 13 ans. Un troisième suspect de 12 ans a, lui, été placé sous le statut de témoin assisté pour viol et mis en examen pour les autres infractions visées par l’enquête, selon le parquet de Nanterre. Libé fait le point sur ce que l’on sait de cette affaire qui suscite l’émoi dans tout le pays.

Que s’est-il passé à Courbevoie samedi 15 juin ?

L’affaire a débuté samedi soir après des «dénonciations» de la jeune fille, accompagnée de ses parents pour le dépôt de sa plainte. Selon une source policière, la mineure aurait alors expliqué avoir été abordée l’après-midi même par trois adolescents et entraînée dans un local désaffecté alors qu’elle se trouvait dans un square proche de son domicile avec un ami, près d’une tour du quartier d’affaires de La Défense. Elle affirme connaître personnellement l’un d’entre eux, qui s’avérerait être son ancien petit ami. Les trois garçons l’auraient ensuite frappée et lui auraient «imposé des pénétrations anales et vaginales, une fellation, tout en lui proférant des menaces de mort et des propos antisémites», a précisé cette même source.

Au cours de ses premières déclarations aux enquêteurs, la jeune fille a affirmé avoir été traitée de «sale juive», renseignent ce mercredi plusieurs sources policières. L’un des adolescents mis en cause lui aurait «posé des questions concernant sa religion juive», lui demandant pourquoi elle n’en parlait pas et lui posant des questions sur Israël, détaille encore cette source. La victime lui aurait alors répondu vouloir «se protéger» d’une éventuelle agression. Après les propos antisémites, deux des adolescents présents auraient violé la jeune adolescente successivement, renseignent les premières déclarations de la victime.

Selon d’autres précisions apportées par la jeune fille, l’un des agresseurs aurait filmé la scène. Un autre l’aurait menacée de mort si elle rapportait les faits à la police. La jeune fille a, elle, été prise en charge par les sapeurs-pompiers et transportée à l’unité médico-judiciaire de Garches, dans les Hauts-de-Seine, où une expertise gynécologique a confirmé le viol, renseigne le Parisien.

Son ami est parvenu à identifier deux des trois agresseurs.

Que sait-on des suspects ?

«Trois jeunes garçons mineurs, âgés de 12 et 13 ans» ont été mis en examen ce mardi 18 juin dans le cadre de cette affaire. «Deux des trois mineurs», âgés de 13 ans, sont mis en examen «des chefs de viol aggravé (réunion, sur mineur de 15 ans et en présence de mineurs)», a indiqué à Libération le parquet de Nanterre. Mais ce n’est pas tout. Ils ont également été incarcérés pour «agression sexuelle en réunion, tentative d’extorsion, violences commises en réunion, sur mineur de 15 ans et à raison de la religion, atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel, menace de mort réitérée, injure à raison de la religion.»

Le troisième mineur, 12 ans, a quant à lui a été placé sous le statut de témoin assisté concernant les faits de viol, et mis en examen pour le reste des infractions, en raison de son âge. Il fait l’objet d’une mesure éducative provisoire «incluant notamment un placement dans un foyer de la protection judiciaire de la jeunesse», renseigne le parquet de Nanterre.

Lors de leur premier interrogatoire, «les trois mineurs ont fait de brèves déclarations spontanées, exprimant des regrets vis-à-vis de la victime sans aborder leur implication dans les faits», précise le parquet de Nanterre auprès de Libération.

Quelles ont été les réactions politiques et associatives ?

Depuis la révélation de cette affaire, les réactions politiques s’accumulent, en pleine campagne électorale pour les législatives. Le leader de La France insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon – régulièrement accusé par des opposants politiques de propos ambigus sur l’antisémitisme – s’est par exemple exprimé sur X et s’est dit «horrifié par ce viol à Courbevoie et tout ce qu’il met en lumière concernant le conditionnement des comportements masculins criminels dès le jeune âge, et du racisme antisémite. Solidarité et pensées émues pour la victime et ses proches». François Ruffin, député insoumis de la Somme et l’une des têtes de proue du Nouveau Front populaire, s’est lui aussi indigné sur le réseau social d’un «horrible viol antisémite sur une enfant».

A l’opposé du spectre politique, Marine Le Pen s’en est elle prise frontalement à «l’extrême gauche» et à sa supposée «stigmatisation des juifs depuis des mois à travers l’instrumentalisation du conflit israélo-palestinien» dans un post sur le réseau social X.

Le président Emmanuel Macron est lui aussi monté au créneau en prononçant des «paroles solennelles et graves sur le fléau de l’antisémitisme» au cours du Conseil des ministres, a indiqué son entourage. Il a demandé «qu’un temps d’échanges» soit organisé dans les prochains jours dans les écoles sur le racisme et l’antisémitisme. En souhaitant ces discussions, il veut faire en sorte que «les discours de haine porteurs de lourdes conséquences» ne «s’infiltrent pas» dans les établissements scolaires, a ajouté son entourage.

L’association SOS Racisme a elle apporté «tout son soutien à la victime et à sa famille» dans cette «affaire sordide», rappelant l’augmentation «inquiétante» des actes antisémites depuis le 7 octobre. Les actes antisémites ont flambé en France au premier trimestre 2024, selon des chiffres du gouvernement, qui a fait état de «366 faits antisémites» recensés entre janvier et mars, en hausse de 300 % par rapport aux trois premiers mois de l’année 2023.